Chine : le luxe français contre-attaque

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Devant le mur peint en rouge du Zhang Yuan building W4 à Shanghai, les patrons français du luxe lèvent le pouce, sourire aux lèvres. Ils sont une petite vingtaine qui posent, le 4 novembre, devant une escouade de photographes chinois installés de l’autre côté de la rue. La circulation a même été interrompue quelques minutes pour immortaliser l’instant. Ces dirigeants ne seront pas seuls sur la photo : l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, ­éternel VRP de la relation France-Chine, et la ministre déléguée chargée du Commerce extérieur, Sophie Primas, les ont rejoints. Leur objectif, donner le maximum de visibilité à l’exposition « Jeux de mains », qui débute dans le bâtiment. Construit à la fin du XIXe siècle, il fait partie d’un quartier historique qui vient d’être entièrement rénové.

Les « ­fashionistas » locales l’adorent, cela n’a pas échappé au Comité Colbert. Cet organisme, créé il y a soixante-dix ans pour promouvoir les métiers d’art français, est à l’origine de ce projet original. Dix-sept ­maisons, des grandes, comme Chanel, Hennessy, Hermès ou Guerlain, et des plus petites, comme Yves Delorme, Louboutin, Selmer (saxophones) ou Focal (Hi-Fi), se sont investies, avec l’aide de la créatrice chinoise Jiang Qiong Er, pour organiser des rencontres entre leurs équipes et des artisans chinois maîtrisant des pratiques souvent ancestrales.

Exemple avec les deux « dames de table » de Guerlain venues spécialement de France pour exercer leur art du « ­barbichage », qui consiste à habiller le col des parfums d’exception avec des fils de soie. Elles partagent leur stand avec Ma Dongsheng, un maître de la peinture intérieure. Maniant avec dextérité et précaution un minipinceau en forme d’équerre qu’il fait entrer dans les flacons, cet artisan réalise des créations hyperréalistes. Un peu plus loin, Hermès fait cohabiter deux de ses réparateurs de cuir avec un artisan capable de reconstituer des porcelaines brisées.

Célébrer les relations commerciales entre la France et la Chine

Officiellement, cette manifestation est culturelle : il s’agit de célébrer les soixante ans de relations commerciales entre la France et la Chine. « Nous sommes une association d’intérêt général, argumente Bénédicte Épinay, déléguée générale du Comité Colbert ; mon sujet, c’est la diplomatie culturelle, c’est faire rayonner cette industrie comme faisant partie d’une histoire commune, celle du luxe et de l’art de vivre français qui commence au XVIIe siècle avec Colbert. » Une approche qui n’empêchait pas certains exposants d’exprimer des motifs d’inquiétude sur l’évolution économique de la Chine, le deuxième marché mondial du luxe après les États-Unis.

De fait, côté business, il y a urgence. Dans la foulée d’une violente crise de l’immobilier, la croissance de l’économie chinoise a commencé à ralentir. Inquiets, les ménages renoncent à certaines dépenses. Le secteur du luxe, qui avait profité d’une frénésie d’achats sans précédent à la sortie du Covid, est confronté à un net coup d’arrêt. La plupart des entreprises françaises ont enregistré une baisse de leur chiffre d’affaires en Chine au deuxième et, surtout, au troisième trimestre 2024. Selon une étude de la banque Barclays, les chutes ont été de 10 % à 50 % cet été. « Le marché du cognac s’est affaibli, constate ainsi Laurent Boillot, le président d’Hennessy et du Comité Colbert ; on le voit dans le niveau des ventes. » De l’aveu d’un dirigeant français, il faudra sans doute attendre 2026, voire 2027, pour que le marché retrouve une dynamique comparable à celle des dix dernières années, hors pandémie.

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Très affectés, les acteurs du secteur ne veulent pas attendre la fin de cette crise les bras croisés. À Shanghai, ils multiplient donc les actions pour rehausser leur image et séduire des Chinois. En même temps que le Comité Colbert, trois grandes marques viennent d’inaugurer des expositions mettant en lumière leurs créations. Direction un autre lieu chargé d’histoire, le Bund 33, l’ancien consulat britannique. Le Mobilier national y propose, jusqu’au 16 février 2025, « Résonances Art déco. Paris Chic, Shanghai Moderne », une version inspirée de l’exposition présentée au musée des Arts décoratifs en 2022 ; nous l’avons visité en avant-première lors de la soirée inaugurale ponctuée par un dîner de gala, organisé dans le jardin en l’honneur à la fois de cet événement et de l’exposition du Comité Colbert. Au menu, crabe royal et caviar, bœuf wagyu et sauce au vin rouge truffée arrosés de grands crus de Bourgogne.

L’incroyable musée de Shanghai

Les joailliers sont également à la manœuvre. Dans son ­campus shanghaien ouvert au public, un immeuble raffiné composé de deux parties jumelles donnant sur un grand jardin, Van Cleef & Arpels détaille, de nombreux croquis à l’appui, le parcours de création des bijoux dans l’exposition « Designing Jewels » (dessiner des bijoux). Cartier met la barre plus haut au musée de Shanghai réputé pour son extraordinaire collection qui raconte cinq mille ans d’histoire de la Chine. Cet établissement culturel aux dimensions massives a réservé l’une de ses plus belles salles à la mise en lumière de 300 pièces uniques de l’entreprise propriété, comme Van Cleef & Arpels, du groupe Richemont. La mise en scène inspirée des jardins traditionnels chinois a été imaginée à l’aide d’une intelligence artificielle développée par un artiste chinois.

Additionnées, ces partitions culturelles devraient marquer les esprits en Chine. Inverseront-elles la tendance négative du marché ? Rien n’est moins sûr. D’où l’importance de l’autre événement qui s’est aussi déroulé à Shanghai début novembre. Organisé depuis 2018, le China International Import Expo (CIIE) a permis à 128 pays de présenter leurs meilleurs atouts pour vendre en Chine. Invitée d’honneur, la France était représentée par plus de 150 entreprises et maisons : « C’était l’occasion idéale pour réveiller le marché chinois, argumente Marc-­Antoine Jamet, chef de la délégation de LVMH à Shanghai. Ce marché est en train de changer. On est sur le temps long. Le luxe français n’a pas ou peu de concurrents. Comme ça va mal, on aurait pu être moins nombreux. C’est le contraire qui est arrivé, c’est ça, le soft power. » Le scénario rose serait d’éviter, ou de limiter, la hausse des droits de douane sur les importations que Pékin menace d’instaurer en représailles de celle annoncée sur les automobiles électriques chinoises en Europe. La bataille ne fait que commencer.

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