Il est surnommé le « Kardashian chinois », Wang Hong Quan Xing est une star des réseaux sociaux où il affiche sans vergogne ses signes extérieurs de richesse. « Je ne sors jamais avec des vêtements et des bijoux coûtant moins de 1,4 million de dollars », se vantait-il récemment sur Internet. Un mode de vie bling-bling qui ne passe plus auprès des autorités chinoises et qui lui vaut d’être banni de la Toile.
Ses 4,5 millions d’abonnés ont vu subitement la star des influenceurs disparaître des écrans de Douyin, l’équivalent chinois de TikTok. Et il n’est pas le seul à subir les foudres du gendarme de l’Internet chinois, la très puissante « administration du cyberespace ». Avant lui, Baoyu Jiajie, Bo Gongzi ou l’influenceur Xinba, célèbre pour avoir généré à lui seul 254 millions d’euros de ventes en seulement douze heures, ont été effacés des réseaux pour avoir « délibérément présenté un mode de vie somptueux ».
Cette purge, lancée au printemps dernier, connaît une accélération ces dernières semaines dans le cadre d’une lutte sans merci du Parti communiste pour interdire les contenus « contraires à l’éthique » et trop influencés par le mode de vie occidental. Wang Hong Quan Xing ne sortait ainsi jamais sans l’un de ses sacs Hermès dont certaines pièces coûtent plus de 20 000 euros. Un luxe ostentatoire choquant dans un pays où le fossé ne cesse de se creuser entre riches et pauvres. Le pays est celui qui compte le plus grand nombre de millionnaires alors qu’un jeune sur quatre est au chômage.
Le pays est celui qui compte le plus grand nombre de millionnaires
« Enrichissez-vous ! » déclarait Deng Xiaoping aux Chinois lors du lancement des réformes économiques au tournant des années 1980. Une quarantaine d’années plus tard, le vent a tourné. En 2021, Xi Jinping lançait sa campagne pour la « prospérité commune », visant à réduire les inégalités économiques et encourager une répartition plus équitable des richesses. Le luxe, considéré comme un instrument de distinction sociale, se retrouve en porte-à-faux avec cette nouvelle idéologie.
« Le Parti cherche à redéfinir les modèles de réussite. Auparavant, l’accumulation de richesses était perçue comme un signe de succès, mais cette notion est remise en cause. L’excès et l’ostentation, souvent associés aux marques de luxe occidentales, sont jugés contraires aux valeurs socialistes que le Parti veut promouvoir », décrypte le sociologue Wang Jun. Cela se traduit par des campagnes de contrôles accrues sur les publicités de luxe, la taxation des produits importés et une pression plus forte exercée sur les personnalités publiques qui affichent des modes de vie jugés trop matérialistes comme ceux des influenceurs. Cette campagne ne vise pas seulement à réduire la consommation d’articles de luxe, mais à imposer une norme morale plus rigide qui promeut une forme de frugalité, façon Révolution culturelle 2.0.
Un rapport récent publié par le bureau de la cybersécurité de Chine révèle que de nombreux influenceurs sont placés sous surveillance car considérés « non conformes aux valeurs du Parti ». Ce rapport insiste notamment sur la diffusion d’une culture du divertissement trop influencée par l’Occident, la promotion du luxe et une forme de consumérisme effréné. « Depuis quelques mois, nous devons être très prudents sur ce que nous publions, témoigne Liu Mei, une influenceuse de 26 ans. Si je fais une vidéo où je montre des produits de marques de luxe, je risque d’être signalée. Même parler de certains modes de vie qui étaient très populaires il y a encore quelques années est désormais risqué. Nous avons reçu des directives officielles nous demandant de promouvoir un contenu plus “sain”, comme l’importance du travail ou l’engagement social. Mais cela ne correspond pas à ce que notre audience recherche. »
Cette pression ne se limite pas aux influenceurs de mode. D’autres secteurs comme la gastronomie, le voyage ou le divertissement sont également visés. Le gouvernement chinois a récemment introduit de nouvelles règles encadrant la diffusion de contenus en ligne. Toute publication qui encouragerait un mode de vie jugé extravagant ou contraire aux valeurs prônées par le Parti peut être supprimée, et ses auteurs sanctionnés.
« Le Parti craint qu’une partie de la jeunesse soit séduite par des modes de vie individualistes et matérialistes »
Pour Chen Xiao, professeur de communication à l’université de Shanghai, cette politique est une réponse directe à la montée en puissance des influenceurs sur la société chinoise : « Ces créateurs de contenus ont une énorme influence sur les jeunes. Le Parti craint qu’une partie de la jeunesse soit séduite par des modes de vie individualistes et matérialistes, en rupture avec les principes socialistes traditionnels. »
Cette stratégie de contrôle s’accompagne d’une volonté de créer de nouveaux modèles de réussite. Les autorités encouragent ainsi la promotion d’influenceurs prônant des valeurs patriotiques, le travail et l’innovation technologique. Une campagne appelée « Influenceurs modèles » a même été lancée récemment, visant à promouvoir des créateurs de contenu mettant en avant des valeurs plus conformes aux idéaux du régime. « Je comprends qu’il faille limiter certains excès, mais j’ai l’impression qu’on essaie de nous imposer une vision trop rigide, témoigne un jeune étudiant contacté sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas parce que quelqu’un achète des vêtements de luxe ou regarde des vidéos d’influenceurs qu’il est en rupture avec les valeurs de la société. »
« Je pense qu’il est important de trouver un équilibre, explique une étudiante pékinoise. On peut s’inspirer de l’Occident sans pour autant tout accepter aveuglément. Le Parti veut protéger notre culture, et c’est une bonne chose, mais il ne faut pas non plus étouffer toute créativité. »
Dans un contexte où la Chine cherche à renforcer son identité nationale et à se protéger de l’influence extérieure, cette offensive contre le luxe et les influenceurs s’inscrit dans une stratégie plus globale de contrôle social. Derrière cette bataille contre l’Occident et le consumérisme se cache une volonté d’affirmer une nouvelle forme de modernité chinoise, où la discipline prend le pas sur la consommation effrénée, l’individualisme et, finalement, la liberté.
Cette chronique se veut produite de la façon la plus authentique que possible. Dans la mesure où vous décidez d’apporter des précisions concernant le sujet « Luxe » il est possible de d’échanger avec notre équipe. Le site plaisir-secret.fr a pour finalité de publier diverses publications autour du sujet Luxe communiquées sur la toile. Pour vous faciliter la tâche, plaisir-secret.fr vous produit cet article qui aborde le thème « Luxe ». Consultez notre site plaisir-secret.fr et nos réseaux sociaux dans l’optique d’être informé des prochaines parutions.