Ce jeudi, les fans de Beyoncé prennent d’assaut le Stade de France. Billets jusqu’à 610 euros, files d’attente numériques, sueurs froides : pour voir Queen B, il fallait s’accrocher. Et ce parcours du combattant n’a plus rien d’exceptionnel.
Depuis la reprise des événements en présentiel post-Covid, la demande pour les concerts a atteint de nouveaux sommets, et l’offre peine à tenir ce rythme effréné. Cette passion a toujours existé, certes, mais l’ampleur actuelle est juste inédite. En 2024, Live Nation, la multinationale américaine qui gère la plateforme Ticketmaster, présente dans une cinquantaine de pays, a rapporté une fréquentation record de 151 millions de spectateurs dans le monde à travers 50 000 événements, soit une augmentation de près de 50 % par rapport à 2019.
Et les fans en demandent encore plus. Une aubaine pour ce géant de l’industrie musicale, qui a plus que doublé son chiffre d’affaires en cinq ans, à 23,15 milliards de dollars. Historique. Pour Michael Rapino, PDG de l’entreprise américaine, cité par Variety, « 2024 a été l’année la plus importante pour la musique live. Le nombre de spectateurs atteint des niveaux records ».
Les indicateurs pour l’année 2025 confirment cette dynamique impressionnante. À la mi-février, Live Nation avait déjà vendu plus de 170 millions de places, une croissance à deux chiffres par rapport à l’année précédente.
Cette frénésie s’observe depuis quelques années. Les stars internationales battent record sur record, gagnent en influence et enregistrent des revenus exceptionnels, à tel point qu’elles deviennent des phénomènes culturels à part entière. En 2019, la tournée « Divide Tour » d’Ed Sheeran explose les records, avec 776 millions de dollars de recettes pour 260 concerts. Mais, cinq ans plus tard, en 2024, le « Eras Tour » de Taylor Swift dépasse les 2 milliards de dollars ! Une performance époustouflante.
Explosion des dépenses
La folie est telle que les billetteries en ligne ont du mal à s’adapter. Pour le grand retour en Europe du chanteur portoricain Bad Bunny, programmé à l’été 2026, les ventes se sont ouvertes quatorze mois à l’avance. Les fans se sont connectés à la seconde. Certaines places se sont arrachées à plusieurs centaines d’euros, voire plusieurs milliers. Le prix n’est plus dissuasif.
Pour l’expert Paco Garcia, la hausse des prix s’explique par une forte concentration du marché. Le secteur du spectacle vivant tend vers « un oligopole », dit-il : une même entreprise contrôle désormais la billetterie, la production, la diffusion, le sponsoring, parfois même la restauration, les services VIP et les transports… « Disposer des données de tout le monde permet de maîtriser tout le marché. »
D’ailleurs, Live Nation pointe une très forte hausse des dépenses des spectateurs pour le « tourisme musical » qui accompagne les concerts : voyage, hébergement, tenues, souvenirs… Les concerts sont-ils uniquement réservés aux plus privilégiés ? Pas forcément.
Certains fans aux revenus modestes sacrifient leurs économies pour le concert « à voir absolument ». Obtenir un billet relève désormais de la stratégie : être rapide et fouiller tout le Web. Le journal 20 Minutes a même publié un guide deux jours avant les préventes de Bad Bunny pour aider ses lecteurs à « mettre toutes les chances de leur côté ». Mais rien n’est garanti. Il faut se battre.
Acheter un billet ? Une épreuve de force
Mélusine, 18 ans, fan de Bad Bunny et passionnée de concerts, décrit une ambiance « anxiogène ». « On s’organise entre amis, chacun se connecte sur des dates différentes pour multiplier nos chances », raconte-t-elle. Il lui a fallu trois jours pour décrocher un billet.
Sur les réseaux sociaux, larmes de joie comme larmes de tristesse se succèdent en temps réel. Les émotions atteignent leur paroxysme plus d’un an avant le concert. Les plus frustrés se tournent alors vers les revendeurs, qui exploitent cette frénésie collective et le sentiment de Fomo (Fear of Missing Out : « peur de passer à côté ») pour maximiser leurs profits. Sur des plateformes de revente comme Viagogo, les arnaqueurs doublent, triplent, voire quadruplent les prix. Un véritable business.
Les plateformes de vente qui ont pignon sur rue, comme Ticketmaster, font face à un véritable casse-tête logistique. Listes d’attente, QR codes, service client : tout doit tenir le choc. Objectif : éviter les pannes et limiter les faux billets. Invisibles quand tout fonctionne, ces acteurs essuient les critiques au moindre dysfonctionnement.
Cet engouement n’est pas nouveau, rappelle le sociologue spécialisé dans les concerts Loïc Riom. Dès les années 2000, la crise du disque a fait du concert la principale source de revenus, au point que certaines tournées se vendent avant même la sortie de l’album – comme celle de Billie Eilish cette année. Le Covid n’a fait qu’accélérer le mouvement. « Il y a eu un effet rattrapage après la privation », analyse le sociologue Paco Garcia. « Les publics investissent davantage dans les expériences qu’ils perçoivent comme intenses, authentiques. »
Mais la tradition de « passion populaire autour de figures charismatiques » remonte aux années 1960. Johnny Hallyday et Michael Jackson généraient déjà files d’attente et merchandising.
« Le live a gagné en valeur »
Cette industrialisation de la musique n’a toutefois rien de comparable avec celle que génère aujourd’hui le streaming. « La musique enregistrée a perdu en valeur symbolique car elle est accessible partout. Par un effet de vases communicants, le live a gagné en valeur », observe Paco Garcia. Cette « festivalisation de la culture » privilégie l’expérience « unique, exceptionnelle, éphémère ».
Les concerts deviennent des « quasi-festivals » avec invités prestigieux et couverture médiatique renforcée. « Il s’agit de faire encore plus gros. Si on ne peut pas ajouter de places, on ajoute des artifices pour donner plus de valeur à l’événement. »
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La génération smartphone transforme profondément l’expérience. Elle filme, partage, poste en direct, dans une logique de « consommation ostentatoire » et de « culture de l’instantanéité ». Les concerts confèrent un statut social, comme si les émotions ne se suffisaient plus à elles-mêmes : il faut les partager et les faire perdurer en matérialisant le souvenir par photos et vidéos.
Face à cette tendance, certains artistes bannissent les portables de leurs concerts. Pour Loïc Riom, le numérique « renforce et augmente l’expérience » selon la façon dont « les artistes se saisissent des dispositifs techniques pour rendre le concert le plus éphémère possible ou, au contraire, le prolonger sur d’autres supports ». « Le digital permet aux artistes de développer leurs audiences, tout en incitant les spectateurs à vouloir vivre l’expérience en live », confirme Michael Rapino, le patron de Live Nation. Double effet.
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