Le JDD. Rendez-nous la liberté de rouler ! : c’est le titre de votre dernier ouvrage. Pourquoi une telle injonction ?
François-Xavier Pietri. Parce que la voiture, auparavant objet de liberté est devenue un sujet d’opprobre et de coercition. L’automobiliste doit répondre à de plus en plus d’injonctions. Prenez le sujet des ZFE (zones à faibles émissions), le gouvernement a bien compris le risque qu’il y a d’interdire à la circulation 16 millions d’automobilistes au sein des grandes agglomérations mais aussi dans les centres de villes moyennes.
Désormais, seules Paris et Lyon sont concernées par ces restrictions. Mais le message envoyé est désastreux. On vous dit « vous n’êtes pas vertueux parce que vous polluez ». Avec le risque de créer une frontière entre ceux qui utilisent au quotidien leurs voitures parce qu’ils n’ont pas le choix et les autres. Les chiffres de l’Insee sont clairs : 70 % des actifs utilisent leurs voitures pour aller travailler.
Le gouvernement prévoit de durcir le malus écologique et de raboter les aides pour l’achat d’un véhicule électrique… c’est la double peine pour les automobilistes ?
Oui et c’est plutôt paradoxal. On nous dit qu’il faut se tourner vers plus d’électrique mais on réduit le bonus écologique. Concernant le malus en 2027 cela va toucher près de 80 % des voitures thermiques mises en vente, essence, diesel et même les hybrides rechargeables. Ce n’est plus un malus c’est une taxe !
Vous montrez, chiffres à l’appui, que posséder une voiture coûte de plus en plus cher. C’est devenu un produit de luxe ?
Le fait est que la voiture est de moins en moins accessible aux classes moyennes. Après la crise du Covid et les pénuries de semi-conducteurs, les constructeurs ont misé sur des modèles haut de gamme très rentables mais aussi beaucoup plus chers. Résultat le prix de l’automobile a flambé en France. En 2010, on pouvait s’offrir une petite Renault Twingo pour 8 000 euros.
La même Twingo vaut aujourd’hui près de 18 000 euros ! Plus du double. De son côté le pouvoir d’achat des automobilistes ne suit pas. Conséquence : le parc automobile français vieillit à grande vitesse. 5 millions d’automobiles en France ont plus de 20 ans.
Vous n’êtes aussi pas tendre avec la voiture électrique…
Ce qui me choque ce sont les mensonges autour de l’électrique. Quand vous voyez les publicités qui indiquent 0 % d’émission carbone c’est faux ! Un véhicule électrique naît avec un déficit écologique considérable. L’ADEME (Agence gouvernementale de la transition écologique) montre qu’il faut près de 10 tonnes en équivalent CO2 pour fabriquer une électrique.
« C’est frappant de voir la place que prennent désormais les marques chinoises »
Cela monte à 15 tonnes pour un SUV. C’est 5 tonnes pour une voiture à essence. Pour rembourser cette dette écologique par rapport au moteur thermique, il faut qu’une voiture électrique compacte roule 70 000 km soit une utilisation de 5 ans. Pour un SUV cela monte à 8 ans ! D’ailleurs on observe depuis 3 mois que les ventes d’électriques sont en baisse en Europe.
En plein mondial de l’auto, vous rappelez que l’interdiction des voitures thermiques neuves à la vente entraînera des répercussions industrielles lourdes. L’Europe se tire une balle dans le pied face à la Chine ?
Quand vous vous baladez dans les allées du Mondial, c’est frappant de voir la place que prennent désormais les marques chinoises. Elles sont plus nombreuses cette année que les marques allemandes. Et ce sont des voitures électriques résistantes vendues 30 % moins chères que les européennes. Concernant la politique du tout électrique, c’est une décision absurde qui livre notre industrie automobile aux mains de la Chine qui a des coûts de production bien inférieurs aux nôtres. Résultat on est en train de reproduire en Europe ce qui s’est passé avec le secteur de l’éolien ou des panneaux solaires qui sont aujourd’hui majoritairement produits en Chine.
Un report de l’échéance vous paraît inéluctable ?
Oui, cela ne me semble pas tenable pour le secteur automobile. En avril dernier un rapport au vitriol de la Cour des comptes européenne mettait en garde : cette politique du tout électrique ne tient pas suffisamment compte du porte-monnaie des automobilistes. Si l’électrification est inéluctable, donner aux constructeurs européens les moyens d’une baisse progressive du coût de la voiture électrique me paraît une bonne chose. Reste à savoir si ce n’est pas trop tard…
François-Xavier Pietri, Rendez-nous la liberté de rouler !, Éditions de L’Observatoire, 2024, 223 pages, 21 euros.
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