« Il n’y a pas un jour, pas une heure sans que je ne pense à ce braquage. Je fais régulièrement des cauchemars dans lesquels quelqu’un veut me tuer avec une arme. Je prends beaucoup de médicaments pour lutter contre ça. »
La voix chevrotante de Larissa trahit un traumatisme encore bien ancré dans son esprit. Cette Russe de 34 ans et résidente monégasque a accepté de revenir sur cette matinée du 29 mai, lorsqu’un homme a fait irruption à Monaco Watch Company, une boutique de montres de luxe d’occasion où elle officiait comme vendeuse.
Sur la bande de vidéosurveillance qui a fuité le jour même, on voit un individu grimé en vieillard menacer Larissa en exhibant un pistolet, avant de faire main basse sur 83 montres exposées en vitrine.
Sur cette vidéo sans son, sujette à interprétation, son calme apparent a été analysé par certains internautes comme une potentielle complicité avec le braqueur. « Ces rumeurs sont horribles. J’ai essayé de ne pas regarder les réseaux sociaux pour éviter un autre choc. Les gens parlent sans connaître », souffle-t-elle, avant de conter sa version des faits.
« Si tu veux vivre… »
La même qu’elle a livrée aux enquêteurs de la Sûreté publique l’après-midi même, après un passage au Centre hospitalier Princesse-Grace.
Ce matin-là peu après l’ouverture de la boutique, alors que Larissa est seule, une personne semble-t-il âgée sonne à la porte. « De l’intérieur, il était impossible de voir et comprendre que la personne portait un masque. C’était comme une vraie peau, un vrai visage », explique-t-elle. Elle presse le bouton qui enclenche le mécanisme d’ouverture de la porte. L’individu, équipé d’une canne, d’un sac en bandoulière, d’un béret et de lunettes, s’avance vers le comptoir. « Quand il s’est approché à quelques centimètres de moi, j’ai compris. Mais c’était trop tard. Il m’a montré une arme et m’a dit en français: « Si tu veux vivre, tu dois me donner toutes les montres. » »
« A l’intérieur, mon cœur explosait »
Larissa s’exécute et lui ment en certifiant que l’intégralité des montres se trouve en vitrine, épargnant ainsi celles entreposées à l’abri des regards. « J’étais comme un robot. J’ai compris que si je ne faisais pas tout tranquillement tel qu’il me l’avait demandé, je risquais d’être tuée. Mon psychiatre m’a dit que, devant une arme, c’était l’un des modes de comportement. L’autre étant la panique. J’ai essayé de ne pas montrer que j’étais stressée, mais à l’intérieur, mon cœur explosait. Quand j’ai commencé à récupérer des montres dans la vitrine, mes mains tremblaient. »
Un braqueur « stressé »
Alerter discrètement la police? Les deux boutons de sécurité demeuraient hors de sa portée, ce qui lui sera entre autres reproché par son employeur, qui lui a notifié son licenciement pour faute grave. Se sauver? Larissa y a songé mais la porte, même de l’intérieur, ne peut être actionnée que par un bouton situé vers le bureau ou avec des clefs.
Larissa dépeint un individu guère volubile et « un peu stressé », d’autant plus quand les premiers passants commencent à lorgner sur la vitrine. « Il m’a demandé si je les connaissais. Il a voulu accélérer le rythme et m’a demandé de vider la seconde vitrine pendant qu’il s’occupait de la première. Je lui ai demandé si je devais mettre les bijoux en diamants dans le sac, il m’a répondu « Non, je te les laisse en cadeau. » »
Le préjudice financier, estimé à plus de 4 millions d’euros selon le parquet général de Monaco, aurait donc pu être bien plus conséquent.
Avant de fuir, le braqueur ganté a pris le soin d’asperger les surfaces de la boutique mais aussi les mains et vêtements de Larissa, lesquels seront ensuite analysés par les policiers monégasques.
« J’ai eu peur d’être tuée en pleine rue »
« L’odeur m’a fait penser à du produit antiseptique ou du gel hydroalcoolique, explique-t-elle. Avant de sortir, il m’a dit que si j’appelais immédiatement la police, il allait envoyer quelqu’un pour me tuer, car il n’agissait pas seul. J’ai appelé le 112, qui m’a ensuite transféré à la police. Je suis sortie de la boutique pour voir par où il partait. Je l’ai suivi, j’ai même pensé à courir et lui prendre un sac, mais j’ai eu peur d’être tuée en pleine rue car je ne savais pas si l’arme était vraie ou fausse. »
L’homme a fui par l’escalier de l’Inzemia – à deux pas de la boutique – lequel débouche sur le boulevard de France, une artère à cheval entre la Principauté et Beausoleil. Là, un complice à scooter l’attendait. Idéal, donc, pour déserter un pays réputé pour sa sécurité et sa force de frappe policière. « Je pense qu’ils étaient bien préparés, qu’ils avaient fait des repérages. Ils savaient que mon patron n’était pas présent le matin, ils savaient que l’escalier menait à Beausoleil. »
En accident du travail depuis ce jour, Larissa tente de se reconstruire en dépit de sa désormais délicate situation professionnelle et du choc psychologique. « J’ai peur quand je vois des personnes âgées dans la rue avec une casquette et une canne. Mon cœur s’emballe, c’est horrible. Il faudra du temps… «
Elle juge son licenciement pour faute grave illégal
Larissa a accepté de s’exposer publiquement, c’est d’abord pour remettre en question les propos tenus par ses employeurs. Ceux-ci avaient dit lui manifester « au quotidien toute [leur] solidarité ». « Jamais mon patron ne m’a demandé comment ça allait. Le seul message que j’ai reçu de sa part était de ne pas me présenter à la boutique le 3 juin, chose que j’ai faite ne voulant pas commettre un abandon de poste. Je n’ai pas pu rentrer. Son comportement était très bizarre. Honnêtement, ce fut un second choc après le braquage », témoigne-t-elle. Dans une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 26 juin, son employeur lui notifie son licenciement pour faute grave après plus de 5 ans de collaboration. Une décision qu’elle juge « illégale ». « Je suis en train de me rapprocher d’un avocat et je vais contester cela devant le tribunal du travail car les motifs sont erronés. Étant en accident de travail depuis le vol, le seul moyen de me licencier était pour faute grave… », estime-t-elle.
« Je n’ai jamais signé de document »
« Il apparaît très clairement que vous n’avez pas observé les règles de sécurité que vous connaissez et qui sont en vigueur depuis juillet 2023. En effet, vous avez ouvert à un homme portant une casquette et des lunettes foncées, ce qui est totalement interdit », justifie Sergej Kruglikov, le gérant, dans cette lettre. Des dires que l’ex-vendeuse russe de 34 ans conteste fermement: « Je n’ai jamais signé de document ou fait une formation qui explique le protocole à suivre. Les seules instructions verbales que j’ai reçues étaient de ne pas ouvrir à quelqu’un qui porte un casque de moto ou des lunettes noires. Le braqueur portait un béret et ses lunettes étaient claires. »
Sur la porte de Monaco Watch Company, désormais gardée par un agent de sécurité, des stickers ont été apposés indiquant que casquette et lunettes noires étaient proscrites. « Ces stickers ont été collés après le vol, précise Larissa. Plusieurs fois, j’ai dit à mon patron que je ne me sentais pas à l’aise d’être seule le matin. »
Autre reproche formulé par son employeur: le non-port du bouton d’appel d’urgence « que vous devez avoir en permanence sur vous. Vous ne l’avez pas non plus saisi lorsque vous avez pris le trousseau de clés vous permettant d’ouvrir les vitrines. »
Réponse de l’intéressée: « Le bouton d’urgence n’était pas un type de bouton censé se trouver sur le corps. Le sien avait été placé dans le tiroir de son bureau, et le mien se trouvait près de mon ordinateur. Je n’y avais pas accès… »
Sollicité, Monaco Watch Company justifie ce licenciement par « un manquement aux obligations les plus élémentaires de sécurité et de respect des consignes d’alerte qui prévalent dans nos métiers du luxe et du commerce de pièces à forte valeur. Les réflexes les plus basiques n’ont pas été respectés. Dans ce cas, la confiance n’est plus de mise envers cette employée. »
Désormais sans emploi, celle-ci cherche un travail pour subvenir à ses besoins. « J’ai déjà envoyé beaucoup de CV dans le monde du yachting, des voitures, bijoux et montres », explique cette titulaire d’un master en management du luxe à l’IUM.
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