L’information a surpris, dans le petit monde du CAC40. Renault a annoncé dimanche la démission de Luca de Meo, son directeur général. L’Italien parfaitement francophone rejoint le groupe de luxe Kering (Gucci, Yves Saint Laurent, Balenciaga, etc), qui a officialisé dès ce lundi soir son arrivée en tant que directeur général, à la mi-septembre.
L’ancien patron de Fiat et de Seat était arrivé en 2020 au sein de Renault, alors en plein chaos après l’affaire Carlos Ghosn et des ventes en chute libre. Un an plus tard, De Meo avait lancé un plan nommé »Renaulution » pour transformer en profondeur la marque au losange, en accélérant l’électrification de la gamme de voitures (Renault 4 et Renault 5 notamment). Surtout, le constructeur français a drastiquement réduit ses coûts : les effectifs des usines du groupe ont fondu en cinq ans de présence de Luca de Meo. Sans compter l’abandon par Renault de certains sous-traitants condamnés à la fermeture, comme la fonderie MBF Aluminium (Jura). Laurent Giblot, délégué syndical central CGT de Renault, a dénoncé ce lundi sur franceinfo un « massacre » d’un point de vue social.
Des bénéfices records
La »Renaulution » a eu des effets indéniables sur les finances de Renault, qui a dégagé des bénéfices records en 2024, à rebours d’un secteur automobile en difficulté. « Nous perdions 40 millions d’euros par jour ! Aujourd’hui, nous sommes l’un des constructeurs les plus profitables au monde », se réjouissait Luca de Meo en février dernier.
Pourquoi un tel départ dans ce cas ? « Il arrive un moment dans sa vie où l’on sait que le travail est accompli », a indiqué Luca de Meo dans le communiqué annonçant son départ. Mais pour les analystes d’Oddo BHF, la démission de l’Italien « illustre, peut-être, à nouveau la difficulté pour l’automobile d’attirer et de retenir ses talents […] face à un environnement sectoriel tendu ». « Ce départ constitue une (mauvaise) surprise », selon eux.
Un changement de secteur rarissime
Mais un des éléments les plus surprenants du départ de Luca de Meo est peut-être son point de chute : Kering, un géant du luxe, très éloigné de l’automobile. « Ces dernières années, on avait observé des mouvements de dirigeants d’entreprise au sein du monde de l’automobile, mais c’est très peu commun de voir un tel changement de secteur », constate François-Xavier Dudouet, directeur de recherche au CNRS en sociologie à l’université Paris Dauphine.
François-Henri Pinault, PDG de Kering, souhaitait revoir la gouvernance de son empire du luxe, en dissociant les fonctions de président (qu’il conserve) et de directeur général. Le chantier pour De Meo est grand, dans un secteur qu’il va découvrir après avoir fait l’intégralité de sa carrière dans l’automobile (Fiat, Seat, Renault). D’autant plus que Kering est empêtré dans les difficultés, notamment avec Gucci. La marque italienne représentait la moitié du chiffre d’affaires du groupe en 2023 (9,9 milliards d’euros) mais a vu ses ventes baisser de 21 % en 2024 et de 25 % au premier trimestre 2025. Au point où le cours de l’action de Kering a été divisé par deux en un an. « Avec De Meo, Kering recrute un professionnel du marketing pour résoudre ses difficultés de dynamisme commercial et retrouver la rentabilité financière », explique François-Xavier Dudouet.
Les rumeurs d’arrivée de Luca de Meo, auréolé de son bilan en matière de redressement chez Renault, ont rassuré les investisseurs de Kering ce lundi, puisque l’action a grimpé de plus de 11,5 % à la Bourse de Paris. Dans le même temps, Renault a perdu 8,5 %.
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