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Avec RetroNews, le site de presse de la BNF, retour sur les Jeux de Paris 1924 tels que la presse de l’époque les a racontés.
Que ce soit en 1924 ou un siècle plus tard, la valse des interrogations et des inquiétudes est la même. Avant les Jeux, on s’inquiète. Tout sera-t-il prêt à temps ? A quel prix ? Avec quelles conséquences pour la vie quotidienne ? Quels bénéfices, quelles dettes à payer ? Après l’évènement, les questions sont identiques. Seulement, on ne les pose plus au futur mais au passé.
En 1924, les Jeux de Paris ont débuté le 5 juillet pour s’achever le 27. Trois jours après leur clôture, l’Humanité sort la grosse artillerie en citant Alfred Spitzer, mythique entraîneur et chroniqueur de l’athlétisme du début du XXe siècle, dont le quotidien communiste souligne «l’indépendance et la probité sportive en ce qui touche les choses de l’athlétisme bourgeois», et qui a «fait dans Sporting [journal dont l’objectif est de favoriser le sport en France, ndlr] une critique aussi acerbe que remarquable des fameux Jeux olympiques».
Pour Spitzer, les épreuves d’athlétisme n’ont pas pu provoquer des vocations chez les jeunes Français : «En ce qui concerne la France, je crains fort que les Jeux olympiques aient pour nos sports un effet contraire à celui que l’on en attendait. Les tarifs prohibitifs instaurés par le Comité d’organisation pour leurs différentes manifestations en ont éloigné les masses, qu’il aurait fallu toucher. Les enfants, les jeunes gens où se trouveraient demain nos espoirs sportifs n’ont, par exemple, pu assister aux exploits de Nurmi [athlète finlandais, quintuple médaillé d’or à Paris en demi-fond, fond et cross, ndlr].»
Le même jour, l’Œuvre fustige l’équation économique posée par les organisateurs, qui avaient cru assurer la réussite économique en gonflant le prix des places. Ils se sont totalement fourvoyés, juge le quotidien de gauche, qui a néanmoins apprécié ces Jeux : «Il y a eu du beau spectacle à Colombes [le stade olympique] et aux Tourelles [la piscine], de beaux jeux des muscles et des nerfs. Et puis, derrière tout cela, il y a eu une affaire – une affaire comme les autres, avec contrats et assurances, avec les procédés ordinaires de publicité commerciale, avec les adjudications d’exclusivité et le reste. Il est peut-être temps de demander si l’affaire a été bonne. Pour le moment, des bruits courent. On dit que les recettes totales s’élèveraient à 5 millions 600 000 francs environ. […] C’est quelque chose. Seulement, on sait aussi que l’on avait compté sur 8 millions […]. Nous voilà donc loin, dans l’ensemble, des prévisions singulièrement optimistes des officiels. Il n’aura donc pas suffi, en élevant le prix des places, d’interdire le spectacle des Jeux à la plupart des Parisiens pour que l’affaire réussisse.»
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Qui paiera la facture s’interroge le quotidien ? «Le déficit, dit-on, sera couvert par l’assurance.» «Et mon cul, c’est du poulet ?» semble écrire le journal. «Il paraît, en effet, que la police garantirait, jusqu’à concurrence de 4 millions, la moitié de la différence qui pourrait exister entre le chiffre global des recettes et la somme de 8 millions. […] Mais le public, le brave et modeste public des payants et des contribuables qui n’a pas eu le moyen de débourser une seule fois les 10 francs d’autobus et les cent sous de virages “populaires” voudrait bien être assuré que ce n’est pas encore lui, en fin de compte, qui paiera les Jeux qu’il n’a pas vus.»
Le lendemain le grand quotidien populaire la Presse enfonce le clou : «En raison de l’abstention des étrangers, le commerce parisien n’a retiré aucun bénéfice des Jeux olympiques.» Le journal a interrogé des dirigeants d’hôtels, restaurants ou grands magasins. Les profits mirifiques envisagés avant les Jeux ? Macache bono ! «Pendant tout cet hiver, les conversations avaient roulé sur les extraordinaires et fructueuses spéculations qu’il serait possible de faire avec la multitude de visiteurs que nous apporteraient les Olympiques. Hôteliers, commerçants, restaurateurs de toutes classes devaient faire fortune en deux mois. De notre enquête, il résulte plutôt que, loin de réaliser des rêves merveilleux, tous ces bâtisseurs de châteaux en Espagne ont tout juste pu conserver leurs clients habituels. Partout les mêmes regrets, depuis l’hôtel et le restaurant de grand luxe, jusqu’au petit “caboulot” à cent sous ! […] En somme“, les Jeux olympiques ont attiré beaucoup de gens, mais en ont éloigné beaucoup d’autres. Notre expérience de ces Jeux, à Anvers ou ailleurs, nous avait bien montré que le sport intéresse seulement les gens qui en font. C’était d’une grande naïveté d’en attendre un développement commercial important et surtout des profits illimités.»
Là n’est pas le problème s’agace la Dépêche de Toulouse, le 31 juillet. Dans Jeux olympiques, il y a jeux. Et c’est à cette aune qu’il faut tirer le bilan de l’évènement. Pour certains, «les Jeux olympiques de Paris furent une magnifique manifestation athlétique, la plus belle certainement qui ait jamais existé». «Il n’y a pas eu l’affluence d’étrangers sur laquelle les hôteliers, les théâtres et lieux de plaisir parisiens comptaient, et je comprends qu’il se soit produit des déceptions. Mais est-ce bien de ce côté-là qu’il faut rechercher le succès ? Pour ma part, j’ai assisté aux Jeux en sportif et je ne me suis jamais occupé de la répercussion qu’ils pouvaient avoir sur la vie économique de Paris.» Et pan sur les journaux parisiens.
Interrogé par le Quotidien le 1er août, l’un des secrétaires généraux du comité olympique manie la litote en champion : «La situation financière est moins mauvaise qu’on ne l’a dit.» Ça par exemple ! «Autant dire que si les Jeux olympiques nous ont rapporté un stade, ils nous ont coûté 7 millions.» Encore mieux ! On vous évite les passe-passe financiers qu’expose l’interviewé, mais il l’assure : «Nous n’aurons pas à faire appel aux deniers publics pour équilibrer nos comptes.» En revanche, concède l’officiel, les Jeux ont accusé un gros déficit en matière de fair-play du public. «Il faudrait que le public fût moins partial, qu’il eût plus d’esprit sportif et moins de chauvinisme. A ce point de vue, nous sommes très en retard.»
Les Français ont-ils manqué cruellement de sportivité ? C’est l’avis de la presse anglo-saxonne qu’a épluchée le Nord Maritime. Il publie sa revue de presse le 28 août. Elle est accablante. «Notre inquiétude et notre tristesse sont grandes quand nous lisons que, d’une manière générale, le public français s’est conduit, au cours de la grande épreuve, sans bonne humeur, sans générosité, sans chevalerie. Quoi ! Est-ce possible ? La nation française, qui se pique d’être la plus raffinée et la plus civilisée de toutes, aurait violé les lois sacrées de l’hospitalité et infligé des affronts à des athlètes représentant des nations amies ?» Et de citer le Literary Digest, «organe très modéré, [qui] constate que les Français, chaque fois qu’un succès américain était annoncé, poussaient des grognements». Les sportifs français se sont-ils montrés plus fair-play que le public ? Non, selon le Times, qui raconte «qu’au cours d’un match de boxe, un champion anglais fut cruellement mordu à la poitrine par son adversaire français».
Pour le vénérable quotidien britannique, ces Jeux constituèrent une contre-pub à l’olympisme. A tel point que le Times voudrait supprimer les JO. «No more olympic games ! s’écrie-t-il, cité par le quotidien régional. On avait institué ces épreuves pour rapprocher les peuples et développer entre eux un sentiment de fraternité. Or, elles ont un effet tout contraire, puisqu’on voit avec une terrible clarté, par ce qui vient de se passer à Paris, qu’elles ont pour effet de surexciter les amours-propres nationaux, d’irriter les vanités et d’engendrer des rancunes.»
Les vœux du Times ne seront pas exaucés. Dans ses «Réflexions post-olympiques» du 23 août, la Presse s’en réjouit. «Ceux qui ont prédit le crépuscule des Jeux olympiques en seront pour leur courte honte. Les Jeux auront lieu en 1928, à Amsterdam, et si la Hollande se récuse, la place serait prise par l’Italie, qui entreprendrait de les organiser à Rome.» Le quotidien soulève cependant une question toujours d’actualité un siècle plus tard : comment lutter contre le gigantisme des Jeux ? «Naturellement, on pense généralement que le programme actuel est à la fois trop ample et trop coûteux.» Et le journal d’énumérer les sports qui, à son avis, n’ont rien à faire aux Jeux : le polo, les tirs de chasse à la cible ou aux pigeons, le yachting. «La pelote basque et les sports équestres n’y ont pas beaucoup plus leur place.»
Enfin, la Presse évoque une solution une originale : «Il ne faudrait pas non plus que tout le poids de l’organisation soit laissé sur les épaules des représentants d’une seule nation. En ce moment, aucun pays européen n’est capable d’organiser à lui tout seul le programme actuel d’une olympiade. Quelques experts anglais ou américains seraient d’une grande utilité.» Les Jeux pour rapprocher les nations. Ferme bien ta bouche le Times !
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