Le JDNews. Junot est une entreprise familiale, fondée en 1984 et dirigée depuis deux générations. Comment cette aventure a-t-elle commencé ?
Sébastien Kuperfis. C’est une histoire assez atypique. Ma mère, qui est toujours dans la maison, venait de l’industrie. Elle avait un bureau à Montmartre et, par amitié, rendait des services à ses proches : elle achetait, rénovait puis revendait des biens. De fil en aiguille, cette activité artisanale est devenue une agence immobilière. Dès le départ, elle a instauré un ADN très carré, avec un vrai souci du service et de la transparence, ce qui était assez rare dans le métier à l’époque.
Et vous, comment avez-vous rejoint l’aventure ?
J’ai longtemps fait autre chose en sortant de mes études de finance et commerce. Mais en aidant ma mère, j’ai découvert un métier passionnant : à la fois commercial, humain et complexe. L’immobilier, c’est beaucoup d’émotion : un déménagement, une succession, une étape de vie. Très vite, j’ai compris qu’on pouvait exercer ce métier autrement, en conseillant nos clients comme si c’était pour nous. Chez Junot, on préfère perdre une vente que mentir à un client. Cette sincérité fait notre force.
Votre groupe a traversé toutes les crises depuis quarante ans. Comment expliquez-vous cette résilience ?
Par la valeur ajoutée et la stabilité des équipes. On a connu les années 1990, 2008, 2012, le Covid, puis l’explosion post-confinement de 2022. Aujourd’hui, les prix ont baissé de 12 % par rapport à 2022, et même de 22 % si on intègre l’inflation. C’est une vraie crise immobilière, mais on s’en sort parce qu’on s’appuie sur un modèle sain : pas d’endettement, pas d’actionnaires extérieurs, une gestion en bon père de famille.
Junot, c’est aujourd’hui combien d’agences et d’activités ?
Nous comptons 24 agences, environ mille transactions par an, et gérons 750 millions d’euros d’actifs immobiliers à Paris. Nous avons aussi racheté une société en Belgique. La croissance moyenne est de 25 % par an depuis dix ans, avec une logique de long terme.
Vous venez de signer un partenariat avec Forbes Global Properties… Est-ce synonyme d’accélération pour vous ?
C’est une étape importante. Forbes Global Properties est la branche immobilière du groupe Forbes. Nous restons Junot, mais devenons exclusive member du réseau Forbes. Concrètement, cela signifie que tous nos biens à plus d’un million de dollars seront diffusés sur le site mondial de Forbes, vu par plus de 160 millions de visiteurs par mois, et partagés avec un réseau de plus de 20 000 experts de l’immobilier haut de gamme aux États-Unis, en Asie, au Moyen-Orient ou à Dubaï. C’est à la fois une reconnaissance et une ouverture, et un vrai accélérateur.
Dans l’immobilier de luxe parisien, vous êtes désormais un acteur majeur aux côtés de Féau et Barnes. Comment vous distinguez-vous ?
Nous sommes plus proches de Féau dans l’esprit : nos collaborateurs sont salariés, pas indépendants. Cela crée une culture d’entreprise différente, plus rigoureuse et cohérente. Notre ADN, c’est la qualité de service, la discrétion et la transparence. Nous réalisons aussi des ventes très confidentielles, jusqu’à 80 millions d’euros, via Junot Fine Properties, qui s’occupe des biens d’exception.
Le marché du luxe semble épargné par la conjoncture difficile. Vous confirmez ?
Oui. L’année dernière a été la plus difficile pour le secteur, et pourtant notre activité a progressé de plus de 50 % depuis le début de l’année 2025. Les prix ont baissé, les taux d’intérêt aussi : acheteurs et vendeurs se sont retrouvés. Et puis, les gens sont un peu immunisés : après tant de mauvaises nouvelles, ils avancent malgré tout. Quand on a un projet de vie, on finit toujours par le réaliser.
L’immobilier reste-t-il une valeur refuge malgré ce contexte d’instabilité politique ?
Oui, c’est toujours le cas ! Même si tout est fait pour rendre l’investissement locatif peu rentable, les Français continuent d’acheter. C’est tangible, c’est rassurant. Une résidence principale ou un bel appartement, c’est une sécurité, un refuge.
Les étrangers jouent-ils toujours un rôle important sur le segment haut de gamme ?
Sous 3 millions d’euros, ils représentent environ 20 % de nos acheteurs. Plus on monte en prix, plus la part d’étrangers augmente – Américains, Asiatiques, Canadiens… Certains viennent en France pour des raisons politiques ou culturelles. Ils voient Paris comme un lieu de liberté et de stabilité, ce qui est précieux à leurs yeux.
Et du côté des Français ?
Quatre-vingt-dix-huit pour cent du marché parisien est franco-français. Paris n’est pas un marché de résidences secondaires, c’est un marché de résidences principales. Les familles veulent un peu plus grand, une pièce pour le télétravail, un confort de vie. Malgré la fiscalité, l’appétit pour la pierre reste fort.
Justement, cette fiscalité très lourde sur la pierre vous inquiète-t-elle ?
Elle ne nous aide pas, c’est certain. Depuis plusieurs années, l’immobilier est pénalisé : revenus locatifs taxés à près de 70 % pour certains, taxes foncières en hausse… Et pourtant, malgré cela, les Français et les étrangers continuent d’acheter. C’est bien la preuve que l’immobilier reste une valeur de confiance, une valeur refuge.
Vous restez donc optimiste ?
Oui. Dans chaque crise, certains s’en sortent mieux que d’autres. Quand on travaille, que l’on respecte ses clients et que l’on investit à contre-cycle, on traverse les tempêtes. C’est ce qu’on fait depuis 1984, et je crois que l’on n’a pas fini.
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