La GenZ a-t-elle perdu le goût du luxe

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Ils mettaient toutes leurs économies dans les marques prestigieuses. Mais, depuis la fin du Covid, cette habitude les a quittés. Et les plus jeunes ont bien des raisons de changer leurs manières de consommer. Explications d’un effet bang bang.

Selon un rapport du cabinet de conseil Bain & Company, le luxe connaît pour la première fois en quinze ans une fuite de ses acheteurs, et principalement ceux de la GenZ. Pour détricoter ce phénomène, nous avons interrogé Éric Briones, directeur général du Journal du Luxe et cofondateur de la Paris School of Luxury, qui a consacré son dernier ouvrage, paru en octobre 2024, au sujet.

Jusqu’en 2023, on constatait une banalisation du luxe chez la GenZ. Pourquoi ?

Éric Briones : La pandémie de Covid 19 a suscité une envie de luxe chez toutes les générations, mais avec une intensité accrue chez la GenZ. De 2021 à 2023, sa consommation de luxe a connu une croissance exponentielle, jusqu’à représenter 20 % des achats de luxe en 2023 (sans compter la seconde main). Cette hyperconsommation s’explique par la santé mentale des Z, fragilisée durant la pandémie. L’antidote à leur mal-être, ça a été le luxe, la mode et la beauté.

Depuis, la GenZ déserte les grandes maisons, au point que vous évoquez une « crise très profonde » du secteur du luxe. Comment interpréter cette désaffection ?

E. B. : Plusieurs facteurs l’expliquent. Pendant la pandémie, les dépenses dans l’expérientiel, les voyages notamment, ont été gelées, au profit des maisons de luxe. Une fois la situation revenue à la normale, le nombre d’achats de luxe a chuté. Mais l’inflation y est aussi pour beaucoup. Depuis 2023, les Z remettent en cause la valeur du luxe. Ce sont les consommateurs les plus exigeants qui soient, avec une compréhension très fine du marketing et des business models. Ils sont aussi caractérisés par une peur de la manipulation et une obsession pour le réel qui résultent de leur usage de TikTok. Pour eux, la valeur perçue doit toujours être supérieure au prix. Sur les réseaux, il y a quantité de contenus qui décryptent la « vraie valeur » d’un article. Dans une vidéo TikTok, la créatrice Meltingcurlz compare par exemple un sac de la marque Chanel d’il y a dix ans, à sa version actuelle, beaucoup plus chère et à la qualité revue à la baisse.

L’inflation a été délirante dans le secteur du luxe. Cela a joué un rôle ?

E. B. : L’industrie s’est « gavée ». Cela s’est traduit par la montée d’idées telles que : « le luxe, c’est trop cher, trop marketing, trop bourgeois, pas assez de qualité, trop présent ». La Chine en est la parfaite illustration. Le luxe y est considéré depuis plusieurs années par les Z comme ringard, un symbole de réussite de leurs parents boomers. L’industrie paie aussi les frais du quiet luxury, la tendance d’un luxe discret, non ostentatoire. Elle se voit aujourd’hui reprocher un manque de prise de risque créatif et son hyperprésence. La chute de la marque Gucci s’explique par l’abandon de son grain de folie, de la théâtralisation de ses racines aristocratiques, qui faisaient son ADN. Résultat, le secteur du luxe a perdu 50 millions de clients en 2024, majoritairement parmi la GenZ.

Plus d’un tiers des GenZ se qualifient d’ « accros à la fast fashion » (selon une étude de ThredUp). Existe-t-il plusieurs GenZ, ou est-ce la même qui succombe au luxe et à la fast fashion ?

E. B. : On peut faire des généralités sur la GenZ, mais il existe des « tribus ». Certaines sont anti-fast fashion et n’ont aucun mal à faire coïncider leurs pratiques de consommation avec leur engagement écologique. Mais globalement, ce sont les Z qui font le succès de l’hyper fast fashion. Il y a quelque chose qui relève du cosplay dans la manière de s’habiller de la GenZ, et la fast fashion permet de varier les looks à moindre coût. C’est un cancer pour le luxe parce que la GenZ n’a plus honte de porter des dupes [copies] et en est même fière. La concurrence est particulièrement forte dans le domaine des parfums et des cosmétiques. Sur TikTok, on trouve une multitude de vidéos qui proposent des alternatives low cost à des produits de luxe avec le hashtag #dupes. Ce succès des copies remet en question la puissance de la marque.

Face à cette offensive, Charlotte Tilbury, populaire auprès des Z, est une des rares marques de beauté prestige à s’être frontalement attaquée au problème, avec la campagne Legendary. For A Reason. Dans une vidéo où apparaît l’égérie iconique Kate Moss, la marque met en avant la supériorité de ses produits, son expertise, et son star power, pour renforcer sa valeur perçue. Elle riposte ainsi à la copie de ses best-sellers par Elf Cosmetics. Cette marque de dupes, qui s’assume pleinement comme telle, a été jusqu’à lancer la campagne Dupe that!, qui enjoint les autres marques à rendre accessible la beauté et à avoir un impact positif. 

Les Z sont-ils devenus infidèles aux marques de luxe ?

E. B. : Non, il s’agit d’un stéréotype. Par contre 88 % des clients du luxe issus de la GenZ sont prêts à censurer une marque si elle prend une position contraire à leurs convictions [BETC et Havas, janvier 2024]. C’est la génération du consentement, ce qui s’explique par l’influence du mouvement #MeToo sur tous les domaines de la vie. La GenZ attend des marques qu’elles fassent preuve d’inclusivité, de transparence, etc. Elle considère aussi la fidélisation autrement que le marketeur. Pour elle, être fidèle, ce n’est pas forcément acheter, mais liker le contenu, se rendre dans un pop-up store etc. C’est une vision étendue de la fidélisation. Le marketing traditionnel perçoit encore cela comme un simple taux d’engagement, or tout se passe désormais sur les réseaux. Les étapes par lesquelles passait habituellement le consommateur : repérer un produit, le tester, l’acheter, ne s’appliquent plus à la GenZ. La mort de cette forme de marketing est rendue manifeste par le succès de l’e-commerce sur TikTok, où les internautes achètent directement le produit sans quitter la plateforme.

E. B. : Avec les millenials est né le personal branding, la marque personnelle, qui consiste à se vendre, à renvoyer la meilleure image de soi sur les réseaux. Instagram est le lieu privilégié de ce type de contenus à l’esthétique léchée. Les Z aspirent à du réel, à plus d’authenticité, à l’instar de ce qui est valorisé sur TikTok. Leur rapport au luxe est moins axé sur la perfection que sur l’affirmation d’une aesthetic, à ne pas confondre avec l’esthétique. C’est un lifestyle, qui se réinvente en permanence, à la manière des era de la chanteuse Taylor Swift. Le luxe leur permet de rendre leur aesthetic désirable, plus claire. La marque Jacquemus [avec son défilé dans un champ de lavandes] nourrit une aesthetic solaire, Provence ; les marques Loewe et Bottega Veneta façonnent davantage une aesthetic arty craft [artisanat artistique]. La marque Ralph Lauren [et son style preppy, « bon chic bon genre » ] fonctionne quant à elle très bien auprès des jeunes Républicains.

Avec la difficulté croissante des jeunes à entrer sur le marché du travail, pourront-ils encore consacrer des dépenses au luxe ?

E. B. : Contrairement aux idées reçues, la GenZ est la génération la plus riche à son âge, grâce à la transmission de patrimoine. Elle est donc hyperstratégique pour le luxe, qui peut être tenté de se concentrer sur les hyperriches ; car les riches, ses acheteurs classiques qui ont plus de 50 ans en moyenne, représentent 40 % de son chiffre d’affaires, mais seulement 2 % de ses clients. Négliger la GenZ, qui représentera avec les millenials 75 % des acheteurs de luxe d’ici 2026 (selon le rapport de BCG et la Fondation Altagamma), est une stratégie court-termiste. Jusqu’en 2023, la GenZ était prête à sacrifier des postes dits essentiels, comme la nourriture, pour s’offrir du luxe ou de la beauté. Mais, le désir de luxe est générationnel et s’étend à tous les milieux sociaux.

Quelles stratégies mettent en œuvre les grandes maisons pour reconquérir le portefeuille des Z ?

E. B. : La GenZ, qui a des penchants nostalgiques, consomme du luxe en seconde main, au détriment des marques de luxe. Ces dernières l’ont compris et tentent de capter cette génération à coups de codes nostalgiques, d’esthétique Y2K [années 2000]. La marque Louis Vuitton a par exemple réédité sa collection avec l’artiste Takashi Murakami vingt ans après, en choisissant comme égérie une actrice adulée des Z, Zendaya.

Les métiers du luxe attirent-ils encore la GenZ ?

E. B. : Jusqu’en 2023-2024, une école de luxe se créait tous les jours, et ces établissements fonctionnaient. Cela démontre un engouement des Z pour le milieu. Toutefois, ils ont du mal à passer la période d’essai, tout secteur confondu. Ils peinent à se sociabiliser au sein de l’entreprise en raison de leur refus de mélanger travail et vie personnelle, et d’un complexe de supériorité créative. Les Z s’estiment plus créatifs que les autres générations, sans pour autant accepter de manager (phénomène de l’unbossing). Le luxe est bâti sur la notion d’excellence et cela implique des sacrifices. Or le sacrifice ne fait pas partie des valeurs des Z, qui mettent un point d’honneur à préserver leur vie personnelle.

Cette chronique se veut produite de la façon la plus authentique que possible. Dans la mesure où vous décidez d’apporter des précisions concernant le sujet « Luxe » il est possible de d’échanger avec notre équipe. Le site plaisir-secret.fr a pour finalité de publier diverses publications autour du sujet Luxe communiquées sur la toile. Pour vous faciliter la tâche, plaisir-secret.fr vous produit cet article qui aborde le thème « Luxe ». Consultez notre site plaisir-secret.fr et nos réseaux sociaux dans l’optique d’être informé des prochaines parutions.

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