Les autorités espagnoles encouragent l’expansion des hôtels de luxe en s’attaquant à la vague de locations de vacances qui a provoqué des manifestations anti-tourisme dans des villes comme Barcelone ou les îles Canaries.
Le secteur hôtelier a été confronté à des restrictions locales en matière d’expansion, mais il est désormais considéré comme un phare pour le tourisme haut de gamme que les autorités cherchent à attirer.
L’Espagne est le deuxième pays le plus visité au monde après la France et les estimations indiquent un record d’environ 95 millions de visiteurs cette année, soit le double de la population de l’Espagne.
La population locale a organisé des manifestations cet été, accusant l’essor des locations de vacances à court terme d’être à l’origine de la flambée des prix du logement et de l’engorgement des rues de la ville, ce qui a suscité un débat épineux sur la manière de limiter l’un des principaux moteurs de l’économie.
Barcelone, la ville espagnole la plus visitée par les étrangers, et Tenerife, dans les îles Canaries, ont annoncé au début de l’année une interdiction et des règles plus strictes concernant les appartements touristiques, respectivement, afin de réduire fortement l’offre.
Bien que Barcelone maintienne son interdiction de construire de nouveaux hôtels dans le centre-ville, les établissements existants peuvent améliorer leur classification, et elle soutiendra un plan visant à ouvrir 5 000 nouveaux lits d’hôtel dans d’autres zones tout en fermant l’ensemble de ses 10 000 appartements touristiques d’ici 2028, a déclaré le maire Jaume Collboni à l’agence Reuters.
« Nous ne pouvons pas faire grand-chose pour la demande, mais nous pouvons agir sur l’offre », a-t-il déclaré.
Pour mieux attirer un « tourisme de qualité », il souhaite réduire la surpopulation et donner la priorité aux visiteurs axés sur la culture et la gastronomie, ainsi qu’aux conférences internationales.
Selon M. Collboni, les hôtels peuvent mieux garantir la qualité et les droits du travail que les locations de courte durée, qui ont réduit l’accès au logement de la population locale. Au cours de la dernière décennie, les loyers ont augmenté de 68 % et les prix de l’immobilier de 38 %.
À Tenerife, les autorités prévoient d’ajouter 1 000 lits dans de nouveaux hôtels de luxe à proximité d’une zone du sud-est de l’île, très fréquentée, qui compte déjà la plus grande concentration d’hôtels cinq étoiles d’Europe.
« Nous voulons être compétitifs non pas en tant que destination à bas prix, mais en tant que destination de qualité », a déclaré Lope Alfonso, responsable local du tourisme.
L’INVESTISSEMENT S’INTENSIFIE
Le moment semble propice. Selon une étude récente du groupe immobilier CBRE, l’Espagne a dépassé la Grande-Bretagne en tant que premier marché européen pour les investissements hôteliers, en particulier dans le haut de gamme. Madrid se classe deuxième et Barcelone sixième parmi les dix premières villes européennes.
Les investisseurs achètent également de vieux hôtels pour les transformer en hôtels de luxe, les établissements quatre et cinq étoiles ayant augmenté de 4,5 % et 2,5 % par rapport à l’année précédente en juillet en Espagne. Les prix des hôtels ont augmenté de 7,18 % d’une année sur l’autre en juin, dépassant l’inflation et l’augmentation de l’année dernière.
« Les segments du luxe et de l’art de vivre ont un grand potentiel de croissance en Espagne », a déclaré Manuel Melenchon, directeur général de Hyatt Hotels pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient.
Le groupe américain a pour objectif d’avoir « beaucoup plus » que ses 50 hôtels actuels en Espagne, a-t-il dit, à un moment où les arrivées de touristes américains augmentent.
Un Grand Hyatt cinq étoiles a ouvert à Barcelone cette année et deux hôtels ouvriront à Majorque et à Ténériffe dans le courant de l’année.
« L’engagement en faveur de la qualité est une étape positive et nécessaire pour changer le modèle touristique (de l’Espagne) », a déclaré Gabriel Escarrer, directeur général de Melia, le plus grand groupe hôtelier d’Espagne, ajoutant que Melia continuerait à miser sur le segment haut de gamme, qui représente 63 % de son portefeuille et a stimulé ses revenus.
Ces dernières années, Madrid s’est positionnée comme une destination de luxe grâce à de nouveaux hôtels cinq étoiles, et cette approche semble porter ses fruits : en juillet, les touristes ont dépensé en moyenne 317 euros (350 dollars) par jour, soit bien plus que la moyenne nationale de 195 euros et plus que les 220 euros de la Catalogne.
Les nouveaux efforts déployés par Barcelone pour attirer les touristes les plus dépensiers portent également leurs fruits. Selon CBRE, elle s’est classée deuxième en Espagne pour les investissements hôteliers, d’une valeur de 285 millions d’euros, entre janvier et juin, derrière les îles Baléares. Les hôtels cinq étoiles de Barcelone ont reçu 36 % des fonds, ce qui est supérieur à la moyenne espagnole de 30 %.
UN PARI RISQUÉ ?
Le pari pourrait toutefois être risqué, car la plupart des touristes cherchent généralement à passer des vacances abordables en Espagne, en partie grâce à une vaste offre de vols à bas prix. Et si la demande d’hôtels a augmenté de 9,5 % entre janvier et juillet, celle d’appartements touristiques a progressé de 27 %.
La perception a également son importance. Les manifestants qui ont aspergé des touristes à Barcelone avec des pistolets à eau en juillet et qui ont fait la une des journaux internationaux « ne contribuent pas du tout à promouvoir une ville de qualité », s’est plaint Mateu Hernandez, directeur du consortium touristique de Barcelone.
Alors que le coup d’envoi de la Coupe de l’America a été donné à Barcelone le 22 août, son entreprise a fait paraître dans des journaux étrangers des annonces pleine page décrivant Barcelone comme « accueillante par nature ». L’événement représente « l’offre de haute qualité » que la ville recherche plutôt qu’une destination populaire pour les enterrements de vie de garçon en état d’ébriété, a-t-il déclaré.
Mais de nombreuses personnes s’interrogent sur les avantages d’un tourisme haut de gamme qui tend à faire grimper les prix. Un rassemblement contre la « Coupe des riches » et son impact sur la ville est prévu le 7 septembre.
À Tenerife, Alfonso Boullon, qui dirige une manifestation contre un projet d’hôtel en bord de mer, affirme que les revenus restent faibles dans les villes dotées d’hôtels de luxe : « Le tourisme ne profite pas aux habitants ».
(1 dollar = 0,9026 euro)
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