« Le port de Cannes est rempli ras la gueule »: les trackers de yachts de retour pour pointer les bateaux de luxe durant le Festival

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Ils ont décidé de rempiler cette année car le Festival de Cannes, sa baie et sa Croisette sont « emblématiques » de leur activité: calculer l’empreinte carbone des bateaux de luxe. Comprenez par ce terme: les yachts des personnes les plus fortunées. 

Une mission que les membres du collectif Yacht CO² Tracker font à côté de leur activité principale pour « pointer l’attention du public et des médias sur ce phénomène un peu particulier » que sont les activités des yachts, dans le monde entier. Pour le collectif, il s’agit avant tout d’un « symbole du capitalisme et du monde dans lequel on vit. » Un de leurs membres, qui souhaite rester anonyme, explique pourquoi ils tournent leurs regards en direction des ports azuréens à cette période de l’année.

Pourquoi avez-vous décidé de surveiller « traquer les yachts » durant le Festival de Cannes? 

Notre activité de base, c’est de calculer l’empreinte carbone des bateaux de luxe. Ça se croise assez bien avec le Festival de Cannes parce qu’il y en a énormément. Certains participants du Festival peuvent même venir avec leurs propres bateaux quand ils ont l’envergure financière d’en avoir. Et, en tant que collectif, on cherche à pointer l’attention du public et des médias sur ce phénomène un peu particulier. 

Ce sont des bateaux qui consomment énormément. Un bateau d’une cinquantaine de mètres, il va facilement être dans les 300-400 litres par heure. Pour des bateaux vraiment très gros ou vraiment très motorisés, comme certains que l’on peut croiser autour de Cannes en ce moment, on est au-delà de 600, 800, 1000, même parfois plusieurs milliers de litres de l’heure.

Comment travaillez-vous pour arriver à une telle précision dans vos traques? 

On regarde un petit peu dans la documentation, dans des ressources en ligne, les références des moteurs qu’ils utilisent. À partir de ça et de leur déplacement à l’AIS (un système mondial d’échange automatique de messages standardisés entre bateaux à partir d’émetteurs-récepteurs de signaux radio et GPS, ndlr), on peut les suivre et calculer la consommation d’essence associée.

Ces bateaux-là demandent énormément d’argent pour ne serait-ce que se construire et fonctionner. On parle de 10% du coût d’achat par an en frais de fonctionnement d’un bateau. Pour un bateau qui coûte 150 millions comme celui de Bernard Arnault, on estime son coût de fonctionnement à 15 millions par an. En tout cas, ce sont les chiffres des assureurs.

On cherche à pointer l’attention du public et des médias sur ce phénomène un peu particulier

Beaucoup de yachts se baladent en ce moment entre Cannes et Monaco, mais un navire de 50 mètres de long, ça pollue autant que quoi ?

Un navire de 50 mètres va être dans les 400 litres de l’heure de diesel à peu près, soit une tonne de CO² de l’heure. Un kilo de CO2 émis fait fondre 15 kg de glacier. Concrètement, un bateau de cette taille-là, consomme en deux heures, l’empreinte carbone d’un Français moyen pour son transport, environ deux tonnes par an, selon les chiffres de l’ADEME. Le propriétaire a « grillé » son quota pour l’année, dès le 1er janvier à 2h du matin. 

Là, ce sont des calculs pour les déplacements, mais ces bateaux-là, même s’ils ne se déplacent pas, font tourner leurs moteurs pour maintenir le navire en état de marche. 

Combien de yachts avez-vous dénombré l’année dernière durant le Festival de Cannes? 

Je n’ai pas les chiffres exacts mais beaucoup trop. Tout dépend vraiment de ce que l’on compte. Il y a Cannes et puis il y a les mouillages alentours. Le gros de l’activité, ça part de Monaco, et ça va jusqu’à Saint-Tropez. Puis il y a La Ciotat et Gênes qui sont des ports de maintenance. Sur les sites qui permettent de les suivre, on peut avoir des difficultés à les détecter, car l’AIS n’est pas obligatoire en dessous d’un certain tonnage. Si vous regardez le port de Cannes actuellement, sur Instagram, il est rempli ras la gueule. En plus de ces yachts, il y a aussi les bateaux de croisière, j’avais repéré le Secret Lady sur les webcams, mais il y a aussi le Club Med 2 et le Ponant qui sont au mouillage juste devant. 

Et autour du festival, est-ce que vous avez déjà essayé de sensibiliser l’organisation? Que répondez-vous lorsqu’on vous dit que les yachts font quand même partie du décorum du Festival? 

On essaye d’interpeller sur les réseaux sociaux, que ce soit les participants, les organisations, la mairie. L’an dernier, on avait attrapé la chemise d’Arte, qui avait installé ses bureaux sur un bateau. 

En 2023, le festival a pris des mesures, notamment 24 euros sur l’accréditation. Il y a eu une enquête de Disclose l’an dernier qui montrait à quel point cette démarche était hypocrite. Ils expliquaient que l’argent collecté allait à une entreprise qui était censée planter des arbres quelque part en Afrique. Au final, ils ne plantaient pas du tout ce qu’ils avaient prévu de planter et personne ne vérifiait. De toute façon, écologiquement, ça ne faisait pas grand sens.

On a déjà commencé à les interpeller sur ce sujet cette année, aussi parce que 24 euros, si vous arrivez à bord d’un yacht qui dépense 25 euros de gasoil en 1 minute 32 minutes, si votre budget gasoil, ne serait-ce que pour le maintenir à flot par jour, c’est 2.000 dollars, donc c’est 4.000 euros, si vous payez les taxes… Je veux dire, 24 euros, c’est quoi? Cela fait ce genre d’éco-taxes? C’est une vraie question. 

La plupart des festivaliers ne sont pourtant pas logés sur les yachts…

Non, mais les gens qui sont venus en yacht font partie du festival. Et puis il y a quelque chose qui se joue entre la ville et entre le festival. Là, il y a trois bateaux de croisière qui font des centaines de mètres et qui ont des centaines et des centaines de personnes à bord qui viennent se mouiller en face du Festival de Cannes. Ils ne sont pas là pour regarder passer les trains, ils sont là pour le festival…

D’après vous, est-ce possible, un Festival de Cannes ou un Grand Prix de Monaco sans yacht? On pourra toujours vous dire que c’est toute une économie également…

Alors, ça rapporte de l’argent, mais c’est destructeur pour le monde dans lequel on vit et le monde qu’on prépare pour nos enfants. Donc, à terme, cet argument-là n’est pas entendable. Il faut savoir que chaque été ce sont 40 à 60% de la flotte mondiale des yachts qui croisent en Méditerranée. 

Le cinéma est un art qui peut apporter des tas de belles choses. Est-ce qu’il y a besoin de cet écosystème-là pour faire vraiment du cinéma et pour faire du cinéma vraiment et véritablement intéressant? 

Là en ce moment, hors bateaux de croisière, Ponant et Club Méditerranée, quel est celui qui pollue le plus au large de nos côtes?

De très loin, c’est l’Ecstasea, l’ancien yacht que Roman Abramovitch a fait construire et vendu. Ce bateau-là a une histoire et une conception particulières. C’est l’un des seuls de cette taille-là, qui dispose d’une turbine à gaz, en plus de 4 moteurs, c’est-à-dire, ces 4 moteurs MTU représentent déjà une motorisation très conséquente pour ce type de bateau. 

Chaque moteur pèse 9 tonnes et c’est des très gros cylindres. Ils consomment chacun, dans les 550-600. A cela, il faut rajoutr une turbine à gaz, qui elle, fait quelque chose comme 18 mégawatts. C’est le genre de turbines qui équipent les porte-avions italiens et espagnols et des frégates. 

L’écologie… et la fiscalité

Pourquoi est-ce plus avantageux de battre pavillons maltais ou des îles Caïmans? Pouvez-vous nous expliquer la différence en termes de fiscalité et d’argent ?

Ces pavillons vont vous permettre de payer vos marins, par exemple, avec une fiche de paye maltaise, si vous battez pavillon maltais. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de sécurité sociale, pas de cotisation retraite, pas forcément d’assurance en cas d’accident, et c’est un sujet. Il y a eu il y a quelques années les Malta Papers qui sont sortis, notamment sur Mediapart, qui explique le mécanisme du leasing maltais. 

C’est-à-dire?

C’est un mécanisme qui vous permet, si vous achetez un yacht, de créer une entreprise qui va l’acheter à Malte, dont ce sera le seul bateau, et qui va vous le louer. Ce qui permet de dire que vous allez le louer quand vous l’utiliserez, ce qui payera les marins à bord, sur des contrats maltais mais aussi de bénéficier d’une TVA à 5% au lieu de 20%. Ils ne sont pas non plus considérés comme des yachts privés, mais des bateaux de croisière, ce qui leur permet d’esquiver 100% de la TVA sur le carburant.

Sur des bateaux qui valent plusieurs centaines de millions d’euros, c’est beaucoup d’argent, c’est un montage très courant.

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