La relation entre une marque de luxe et ses clients obéit à des équilibres subtils. Il faut marquer de l’attention sans être indiscret, anticiper les envies sans se montrer intrusif, cultiver la proximité sans être envahissant… et surtout préserver la confidentialité des informations que les marques détiennent sur leurs clients. Même à l’heure de l’IA générative, il n’est pas question de noyer les amateurs de luxe sous un afflux de messages ou de sollicitations. Les marques se sont donc engagées dans des démarches subtiles alliant collecte, traitement et activation de données client et respect de la confidentialité au service d’une expérience client enrichie.
Acquérir un produit de luxe va bien au-delà d’une simple transaction commerciale. C’est aussi rechercher une attention discrète et personnalisée. La donnée n’est donc pas seulement un outil marketing, mais le fil conducteur d’une relation client sur-mesure. On peut séquencer le travail sur la donnée en trois étapes : la collecte, l’activation, la gouvernance.
Pour construire une expérience réellement personnalisée, les marques doivent s’appuyer sur des données pertinentes, collectées de manière maîtrisée et respectueuse. Les points de contact sont variés : navigation sur le site, passage en boutique, échange avec un conseiller, participation à un événement… Chaque moment est une opportunité de mieux comprendre son client. L’enjeu, cependant, n’est pas d’accumuler des informations, mais de capter les bons signaux, au bon moment, pour nourrir une relation de qualité.
Chez Prada, la collecte des données clients est pensée comme un levier de création de valeur. Grâce à une infrastructure sophistiquée combinant des puces RFID/NFC, une Customer Data Platforms (CDP), plateforme de données clients en temps réel, et une intégration fluide des interactions en ligne et en boutique, la marque parvient à unifier l’ensemble des points de contact, tout en respectant le consentement de ses clients. Chaque point de collecte — qu’il s’agisse du scan d’un sac, de la navigation sur le site ou d’une visite en boutique — déclenche un service à valeur ajoutée : conseils personnalisés, accès à des prestations exclusives ou encore suivi d’entretien.
Ce modèle enrichit l’expérience client à chaque interaction, sans recours à des sollicitations explicites ni à des démarches contraignantes. Dans cette démarche, la transparence est essentielle. La collecte de la donnée ne doit pas être perçue comme subie, mais un moyen d’enrichir la relation entre la marque et ses clients. C’est en installant un cadre clair et explicite que les marques gagnent la confiance nécessaire pour accéder à ces précieuses informations.
Une fois la donnée collectée, encore faut-il l’activer intelligemment. C’est cette capacité à transformer les signaux faibles en attentions pertinentes qui crée une expérience mémorable. Les CDP) combinées à l’intelligence artificielle permettent désormais d’agréger ces données en temps réel et de construire des profils clients enrichis. Beaucoup de maisons de luxe utilisent ces outils pour cibler leurs clients de la manière la plus personnalisée possible, en l’invitant à un événement en lien avec ses préférences ou en lui proposant une sélection de pièces qui correspondent à son style et à son historique d’achat par exemple.
Pour autant, si la technologie ouvre le champ des possibles, c’est la retenue qui fait la différence. Une sollicitation trop fréquente ou des recommandations trop ciblées peuvent devenir intrusives. Le défi réside donc dans une personnalisation élégante, contextualisée et subtile. Bottega Veneta a adopté une approche singulière et exigeante en faisant le choix délibéré de privilégier une relation directe, confidentielle et d’une grande qualité avec ses clients. La collecte d’informations s’effectue uniquement à travers des points de contact soigneusement sélectionnés — en boutique, lors d’événements privés — et alimente un CRM discret, construit sur la base d’interactions réelles.
Enfin, la gouvernance des données est essentielle à la sécurisation du patrimoine relationnel qui unit une marque de luxe et ses clients. Les technologies de chiffrement, l’anonymisation, la pseudonymisation, ou les approches de gestion des accès comme le Zero Trust permettent d’exploiter les données sans compromettre l’identité du client. Le Privacy by Design, qui intègre la protection dès la conception des parcours clients, garantit une personnalisation respectueuse. Cartier, au sein du groupe Richemont, adopte une approche rigoureuse et structurée pour garantir la protection des données de ses clients. La maison s’appuie sur un réseau de Privacy Representatives, des référents dédiés à la confidentialité, présents dans chaque pays et dans les boutiques stratégiques, afin d’assurer une vigilance locale et continue. En parallèle, elle utilise le portail MyCyberJourney pour auditer la sécurité de ses partenaires (hébergeurs, agences CRM, prestataires logistiques…), assurant ainsi une gestion fiable et sécurisée des données tout au long de la chaîne.
Pour l’industrie du luxe, bien gérer la donnée client, c’est garantir une relation à la hauteur des promesses des marques luxe. La façon dont elles protègent, organisent et utilisent les informations de leurs clients reflète leur sérieux et leur vision. Ce n’est pas seulement une question de conformité, mais une manière de construire une relation durable et cohérente avec les valeurs qu’elles revendiquent.
(1) Les puces RFID/NF sont des étiquettes invisibles intégrées aux produits permettant à la marque de les identifier automatiquement lorsqu’ils sont manipulés ou scannés, sans intervention du client.
(2) Le modèle Zero Trust repose sur le principe de « ne jamais faire confiance, toujours vérifier », en exigeant une authentification stricte et un contrôle d’accès systématique, quels que soient l’utilisateur ou sa localisation.
(*) Guillaume des Rotours est un associé Advisory. Il est actuellement responsable du secteur Consumer & Retail pour l’Advisory et responsable du secteur du Luxe en France. Guillaume est également Global Lead Partner de comptes prioritaires globaux dans le secteur du Luxe et du Consumer & Retail. Précédemment en tant qu’Associé Consulting, Guillaume a mené de nombreux projets stratégiques de transformation pour de grands groupes, principalement dans le secteur du Luxe, Consumer & Retail mais également du Transport, de l’Hôtellerie et des Media. Avant de rejoindre KPMG France à Paris pour prendre la direction de l’équipe Finance Strategy & Performance, Guillaume a travaillé plusieurs années chez KPMG UK à Londres et a participé au développement de KPMG en Europe notamment en Suisse, en Roumanie et en Arménie. Enfin, Guillaume est aujourd’hui responsable du Partners Affairs de KPMG France.
Guillaume des Rotours
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