Jadis, des années durant, l’acmé du luxe – couturiers, joailliers, drapiers ou tailleurs – opérait en toute discrétion, sans avoir pignon sur rue. Pas de vitrine, juste quelques salons privés fréquentés par une clientèle huppée et soucieuse de confidentialité. Aujourd’hui livré à un phénoménal Monopoly foncier, le Quadrilatère du luxe milanais est devenu un immense mall fastueux à ciel ouvert où les grandes marques et maisons jouent des coudes pour faire briller leur nom entre nouveaux palaces 5 étoiles et flagships superlatifs. S’il subsiste encore un luxe invisible au cœur de la capitale lombarde, essentiellement cousu main par les vénérables tailleurs et chemisiers qui opèrent en étage, la tendance du jour consiste à se soustraire au flux forcené du shopping et à se distinguer sans étals ni étalage. Pour exemples, trois maisons milanaises, un maroquinier, un joaillier et un barbier, qui renouent avec leur histoire en prenant de la hauteur et en faisant salon.
Il existe à Milan une tradition d’orfèvrerie et de joaillerie portée par les grands noms connus de tous : Buccellati, Pomellato, Vhernier…. Et Busatti, Maison fondée en 1947 par Antonio et Maria Busatti, alors basée sur l’importation et le négoce de perles japonaises. Le couple, collectionneur, y ajoutera en toute érudition des objets d’art anciens, rares et précieux. Deux générations plus tard, Busatti quittera les coulisses pour ouvrir un écrin via della Spiga. La famille, qui œuvre alors pour les plus prestigieuses Maisons joaillières internationales, se lancera à la fin des années 1990 dans la haute joaillerie. D’officine confidentielle devenue une signature, Busatti pare une clientèle discrète, dont l’actrice Virna Lisi. Recherche, création, dessin, innovation, réalisation : désormais joaillier affirmé et convoité, Busatti a récemment choisi de fermer cette boutique pour donner faveur à la confidentialité d’un appartement privé, sis à deux pas du grand tribunal de Milan. Un salon déployé dans les beaux murs du Palazzo Andreani, érigé en 1926 pour le comte Sormani Andreani Verri par l’architecte Cesare Chiodi, ami et collaborateur de Gio Ponti et de Piero Portaluppi. Là, Andrea, Barbara, Luca et Simone Busatti accueillent sur rendez-vous leurs clientes venues incognito du monde entier : collectionneuses, têtes couronnées, princesses titrées et autres célébrités averties invitées à passer par les ateliers de dessin, où s’imaginent et se développent dans l’ intimité des bijoux et parures exclusifs… Aux créations de haute joaillerie, la Maison ajoute un prêt-à-parer d’excellence ciselé de pierres rares aux couleurs absolument fascinantes, également réalisé par des mains expertes dans ses ateliers d’orfèvrerie, tous situés à Milan.

Ce fut le plus grand maroquinier en activité en ville entre 1864 et la fin des années 1970. Plus estimé encore que Fontana ou Valextra respectivement fondés en 1915 et en 1937. Malletier-maroquinier, Rocco Franzi puis ses héritiers surent fournir les maisons royales, les Savoie en tête. Leur magasin de la via Manzoni fut longtemps une pierre blanche dans les us des voyageurs. Il se raconte qu’en leur fabrique, sise via Boscovich, fut formé un certain… Guccio Gucci.

Sacs, valises, malles, mais aussi sacs à main, nécessaires et accessoires luxueux en cuir grainé créé par Oreste Franzi, dont le coloris vert deviendra identitaire, sinon iconique : de Milan à Rome, l’offre qui était abondante, raffinée et autant féminine que masculine n’empêchera pas le déclin de la firme amorcée dès la fin des années 1970. Magasins et manufacture fermés, ultimes héritiers prématurément décédés, Franzi sera vendu en 2007 à un groupe d’investisseurs, lui aussi vite liquidé. De fait, Franzi a été officiellement relancée en 2021 après son rachat en 2016 par le duo Marco Calzoni / Stefan Oelze, qui réussira à récupérer et le nom et les archives, qui sont un véritable trésor. Milanais grand teint, Marco Calzoni a installé Franzi en étage dans les salons de l’ancien appartement de ses grands-parents, dont l’histoire vaut toutes les sagas. Stucs, dorures, mobilier ancien, marbres : logée dans un élégant palazzo du corso Venezia, l’adresse est un privilège donnant à découvrir en toute luxuriance et sur rendez-vous les collections de sacs et accessoires. Outre des créations contemporaines comme le Fernanda en hommage à Fernanda Wittgens, la grande dame des arts, directrice de la Pinacothèque de Brera, on y découvre la réédition du Margherita, un classique best-seller des années 1940 très Lucia Bosè dans le film Chronique d’un amour, d’Antonioni (1950), des accessoires pour homme, une malle-bar et la fortune d’une conversation passionnée avec Marco Calzoni. Lequel juge en rien nécessaire l’ouverture d’un magasin en ville. La vente directe « immersive », nonobstant quelques points de vente en Italie, en Suisse, au Japon et aux USA chez Nieman-Marcus, est pour lui l’expression la plus authentique du luxe.

Ce ne sont pas les barbiers qui manquent à Milan, parfois enfouis dans la désuétude d’une galerie oubliée par le temps, souvent mis en vitrine, quelquefois hissés en étage comme l’excellent Pisterzi, via Montenapoleone (et aussi à New York). Ouvert sans fanfare voilà quelques mois, Eredi Zucca relève d’une résurrection à la Cire Trudon.

À l’opposé d’un Bullfrog ou d’un Barberino franchisés ex nihilo, Zucca revient de loin : barbiers de père en fils depuis 1652, archives à l’appui. Après une longue éclipse, le nom a été exhumé par un fonds d’investissement souhaitant l’anonymat, et installé dans les coulisses de la via Montenapoleone et de la via Manzoni, dans une rue paisible et sinueuse. Plaque en laiton, sonnette, lourds rideaux occultants : impossible de voir et savoir ce qui se trame à l’intérieur. Rendez-vous obligé pour une séance de rasage et nuque rafraîchie dans un décor tout de lambris, capitons, caissons, moulures, médaillons, velours et marbres comme surgis d’un opéra de la fin du XIXe : les plafonds voûtés du sous-sol sont « imités » de ceux de la Scala, à deux pas de là. Les maîtres-barbiers sont du meilleur fil, les produits raffinés à l’extrême, les Colognes embaument la lavande ou la bergamote. Et une fois bichonné, on fait main basse sur les brosses à cheveux en soies de porc ou de sanglier, les peignes en galalithe ou en corne, ou les savons-médaillons à l’effigie des Zucca, histoire de faire mousser un peu plus un storytelling parfaitement maîtrisé.
CARNET D’ADRESSES
Busatti Milano.
Via Paolo Andreani, 4.
Tel. + 39 02 7601 7271
http://www.instagram.com/busattimilano
Franzi 1864
Corso Venezia, 29.
Tel : +039 347-3637641
www.franzi1864.it
Eredi Zucca
Via Bigli, 6.
Tel : +39 342-0740338
www.eredizucca.com
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