Quand le luxe s’empare de son vintage

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Une bague Chaumet des années 1950, une veste noire aux poches brodées d’un écusson provenant d’une collection 1995 de Givenchy, un sac Pasta que Karl Lagerfeld dessina pour Fendi dans les années 1990… Autant de pièces étayées de documents d’archives que Heristoria a présentées à l’hôtel Cadogan de Londres à la fin de l’année dernière. Une vente aux enchères ? Une plateforme de revente ? Non, une start-up, lancée grâce au programme d’intrapreneuriat Dare (Disrupt, Act, Risk to be an Entrepreneur) de LVMH, dont la mission est de « dénicher les trésors vintage » allant de 1900 à 2010 des maisons du groupe, de la mode à la joaillerie en passant par l’horlogerie et les spiritueux. Si le département patrimoine de la maison concernée ne souhaite pas acquérir la pièce, Heristoria, néologisme issu des mots histoire et héritage, se charge avec lui de l’authentifier, de la « remettre en beauté » puis de la proposer lors d’événements ponctuels comme celui du Cadogan.

Heristoria est la parfaite illustration d’un phénomène qui se développe, lentement mais sûrement : la réappropriation du vintage par les maisons elles-mêmes. Longtemps restées au poste d’observatrices, elles finissent par entrer dans la danse face à un marché qui ne cesse de croître. Selon une étude de la plateforme de revente entre particuliers Thred Up en collaboration avec Global Data, le marché mondial de l’habillement de seconde main devrait atteindre 350 milliards de dollars d’ici à 2028, avec un taux de croissance annuel de 12 %. En 2023, la revente de vêtements a ainsi progressé 15 fois plus vite que la vente au détail et d’ici quatre ans, le marché de la seconde main devrait même peser plus lourd que celui de la fast fashion. Sans oublier l’entrée en vigueur de la loi Agec le 1er janvier 2022, qui a aussi modifié les pratiques dans l’industrie de la mode puisque les marques ont désormais l’interdiction de détruire leurs stocks d’invendus.

RaaS de Vestiaire Collective

Vestiaire Collective, une plateforme spécialisée dans la revente de pièces mode, a anticipé mieux que personne ce changement de paradigme.« Lorsque nous avons lancé Vestiaire Collective en 2009, les marques regardaient de loin la seconde main. Parmi les freins, la peur de cannibaliser la collection en boutique mais aussi des problématiques d’authentification, car il faut pouvoir certifier le modèle quelle que soit son année de création, décrypte la cofondatrice du site Sophie Hersan. Certaines marques ont essayé de gérer elles-mêmes, mais ce n’est pas évident d’orchestrer les deux marchés, la logistique, la dimension technologique et également la connaissance des particularités de ce marché, notamment pour fixer les prix. » Lancé avec Alexander McQueen en 2021, le RaaS, Resale as a Service, de Vestiaire Collective noue des partenariats avec les marques qui souhaitent s’investir dans la revente des pièces par leurs clients. Aujourd’hui, la plateforme collabore avec douze labels, dont Isabel Marant récemment, avec, pour chacun, des partenariats sur mesure. Les équipes ont par exemple travaillé main dans la main avec Rabanne pour le relancement du sac 1969 en orchestrant une vente avec des modèles vintage.

Pour Chloé, elles ont mis en place un système qui permet de déposer une pièce de la maison en échange d’un bon d’achat à dépenser dans les boutiques Chloé et sur le site de Vestiaire Collective pour encourager la circularité ou à transformer en don pour l’Unicef. Burberry a annoncé son partenariat avec la plateforme en 2023, et Giorgio Belloli, directeur digital, clientèle et innovation, déclarait à cette occasion : « Nous sommes très heureux d’offrir à nos clients une autre façon de donner une nouvelle vie à leurs pièces Burberry. En complément de nos autres démarches de circularité, nous espérons ainsi que les générations à venir pourront continuer à porter ces vêtements. »

Re-sell de Balenciaga et Gucci Vintage

Pour éviter le casse-tête de gérer le marché de première et de seconde main, d’autres maisons préfèrent, elles aussi, s’adosser à un partenaire. Balenciaga s’est ainsi associé au site Reflaunt pour se lancer sur cette économie circulaire, dès 2022, avec son programme Re-sell. Sur le site de la maison, il suffit de poster l’article qu’on souhaite revendre, peu importe la collection, puis de le déposer dans une boutique ou de l’envoyer afin de recevoir la compensation financière par virement ou en bon d’achat, majoré de 20 % par rapport au montant versé en argent, à dépenser dans la collection actuelle. L’article est authentifié puis vendu par Reflaunt.

Autre maison du groupe Kering, Gucci s’est lancé également dans le vintage en 2021 avec The Vault, devenu Gucci Vintage, dont l’objectif est de « souligner la valeur durable et l’attrait de ses produits ». Des pièces d’archives reconditionnées par des artisans internes, parfois même sublimées. Ainsi, fin 2023, Gucci s’est associé avec Christie’s pour la vente en ligne « Handbags Online : The Paris Edit », qui proposait notamment trois emblématiques sacs Bamboo revisités par des artisans, dont les bénéfices ont été versés à Save Venice, organisation à but non lucratif pour la préservation de l’héritage artistique de Venise.

Classiques à des prix abordables et éditions limitées introuvables

Le modèle des années 1960 orné pour l’occasion d’une anse en or 18 carats incrustée de 927 diamants a été adjugé à 138 600 euros. « La demande dans le domaine du vintage de luxe est exponentielle, regroupant à la fois des gens qui cherchent des classiques à des prix plus abordables comme des clients en quête d’éditions limitées introuvables dans le commerce », indique Sara Bennani, responsable du département maroquinerie de Collector Square, autre plateforme de revente de produits de luxe.

Face à cet engouement croissant, les maisons finissent par mettre, timidement il faut bien le dire, un pied sur le marché. Car derrière la seconde main il est question de la longévité du luxe, de la durée de vie de ses produits et, plus globalement, de durabilité, dans tous les sens du terme. Autant de questions qui font écho à l’artisanat et à la qualité sur lesquels l’industrie ne cesse de communiquer ces dernières années, notamment pour justifier les récentes augmentations de prix de la maroquinerie.

Le même niveau d’exigence et de qualité

Il s’agit également pour les maisons de montrer leur investissement dans la circularité mais aussi de maîtriser la relation que les clients, anciens, nouveaux comme potentiels, peuvent entretenir avec elles. En 2022 a ainsi été lancé le programme Rolex Certified Pre-Owned avec quelques détaillants officiels, dont Bucherer et les Galeries Lafayette Paris Haussmann, qui viennent de consacrer un espace à ce nouveau service. Les clients peuvent y revendre leurs montres de plus de trois ans, qui seront alors certifiées par la marque, réparées si besoin et proposées avec une nouvelle garantie de deux ans. La marque horlogère a même imaginé un packaging et un sceau, beige au lieu du vert emblématique. Le but : accompagner la seconde vie de ses modèles tout en proposant le même niveau d’exigence et de qualité. Cartier a également créé son label Cartier Official Pre-Owned Partner, assorti d’une nouvelle garantie de deux ans sur chaque modèle d’occasion vendu par un détaillant accrédité.

Cette entrée sur la seconde main présente plusieurs avantages pour les entreprises du luxe : « Nourrir la relation avec leurs clients, ouvrir une porte d’entrée vers de nouveaux amateurs, mais également apprendre de son marché », souligne Sophie Hersan. Certains préfèrent garder la position d’observateur. Alors que l’attente en boutique peut atteindre plusieurs mois, des années même pour un modèle précis, Hermès voit tous les jours se vendre plusieurs sacs Birkin… sur Collector Square.

« Les deux marchés se répondent »

Sur ce site spécialisé dans la revente de pièces de luxe, plus de 140 modèles sont disponibles à l’heure où nous écrivons ces lignes, à des prix s’échelonnant entre 6 980 et 68 000 euros – sans compter le record de 160 000 euros atteint par un modèle Himalaya 30 centimètres en crocodile niloticus datant de 2020. La marque du faubourg Saint-Honoré fait incontestablement partie de celles qui font le plus de buzz sur le marché de la seconde main, la rareté en boutique étant l’un de ses leviers de désirabilité. Si Hermès propose depuis toujours un service de réparation, elle n’a pas (encore ?) investi ce marché, laissant les spécialistes s’en charger.

Dans tous les cas, qu’elles s’y investissent ou non, les maisons de luxe ne restent plus insensibles aux tendances qui animent les aficionados du vintage, qui se confondent parfois avec leurs clients en boutique. « Les deux marchés se répondent. Ainsi quand Chanel relance sa montre Première, Cartier sa Tank, mais également quand Louis Vuitton diffuse une nouvelle campagne mettant en scène des sportifs autour de ses malles, on constate immédiatement une augmentation des recherches sur notre site », souligne Sara Bennani. Mais l’inverse se révèle également vrai. Quand le marché du vintage a montré un regain d’intérêt pour le modèle Saddle de Dior, ce sac inspiré de la selle de cheval né au printemps-été 2000 de l’imagination de John Galliano, il a fait sa réapparition peu de temps après sur le podium automne-hiver 2018. Quant à Domenico Dolce et Stefano Gabbana, le duo italien expliquait ainsi la genèse de ces quelques modèles siglés Re-Edition apparus dans leur collection printemps-été 2023 : « À force de voir les jeunes générations de notre équipe s’habiller avec des pièces de seconde main Dolce & Gabbana, nous avons eu l’envie de les rééditer ! Nous avons fait des recherches sur les modèles les plus demandés en vintage et nous les avons inclus dans notre collection principale. » Parfois la seconde main (re)devient la première §

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