« Une pédagogie innovante pour un monde en mouvement. » Un slogan ambitieux et une proposition qui l’est tout autant: offrir une nouvelle solution post-bac dans le golfe de Saint-Tropez au travers d’une école spécialisée dans le luxe. Depuis quelques mois, cette nouvelle circule sur les réseaux sociaux. Nommée simplement « L’école du luxe », cette structure annonce une rentrée en septembre, entre Sainte-Maxime et Saint-Tropez, et propose six bachelors (équivalent d’un bac+3) mais aussi quatre « mastères » (équivalent d’un bac+5).
Une nouvelle qui offrirait un élan de dynamisme pour les jeunes sur ce territoire qui compte seulement un BTS « management commercial opérationnel » au lycée du Golfe.
10.500 euros de frais de scolarité
Commerce, marketing, tourisme ou encore communication, plusieurs filières sont présentées sur la brochure de l’établissement pour « devenir manager du luxe dans l’influence, l’évènementiel ou encore l’immobilier ». Les textes sont ponctués de formules accrocheuses telles que « devenez l’exception » ou « accomplissez vos rêves » mais aussi d’un lexique technique en Anglais.
Au-delà des cours, l’école met en avant de potentiels stages et des séminaires à l’étranger, chaque année. « Les expériences incluent des évènements prestigieux tels que la Fashion Week, des galas de charité, des expositions artistiques et des inaugurations de palaces. L’objectif principal est de développer les compétences linguistiques nécessaires pour travailler avec une clientèle de luxe et d’ultraluxe », peut-on lire sur le site.
Les élèves pourront suivre cet apprentissage sous trois formats: à l’école, en alternance ou en « e-learning », c’est-à-dire depuis chez eux avec des conférences en ligne et des capsules vidéos. Le tout pour des frais à 10.500 euros l’année.
Pour décortiquer cette nouvelle école à l’affiche de rêve, la rédaction de Var-matin s’est glissée dans la peau d’une lycéenne, à la recherche d’une école supérieure. Le premier rendez-vous est donné le 25 mai, à l’occasion de la journée portes ouvertes. Ne bénéficiant toujours pas de véritables locaux, l’établissement a organisé cet évènement dans la salle polyvalente de la capitainerie à Sainte-Maxime. Accompagnée de son associé et époux, Olivier Guérin, la directrice Anne-Laure Monier, livre un accueil chaleureux aux visiteurs.
Un lancement très assuré
D’emblée, la gérante dresse le portrait de son organisme avec beaucoup d’assurance: « Au-delà d’être la première, nous sommes une véritable école qui apprend les codes du luxe aux jeunes. Nous sommes davantage axés sur la pratique que sur la théorie car la communication s’applique sur le terrain. » Une présentation sans aucune preuve empirique car la structure n’a pas encore été lancée. De plus, cette autocongratulation ne peut être vérifiée non plus car d’autres écoles existent dans le même secteur et aucun classement ou certification n’ont été établis pour les départager.
Même contradiction au niveau de la certification de l’établissement. « Nous passons par un organisme certificateur qui s’appelle la Fédération européenne des écoles (Fede). Il permet que nos diplômes soient européens car l’avenir n’est pas forcément qu’en France, il peut s’élever aussi au niveau européen ou mondial », avance-t-elle. Pourtant, contactée par Var-matin, la Fede atteste que « l’école n’est toujours pas membre du réseau ».
Admission éclair
Après les journées portes ouvertes, notre profil d’étudiante a entamé les démarches d’admission. La direction demande un CV, les bulletins des deux derniers trimestres ainsi que le relevé de notes des épreuves anticipées et celui du bac (facultatif si diplôme en cours de validation). Aucune pièce d’identité, ni d’attestation de démission de la plateforme Parcoursup n’a été demandée, pourtant nécessaire pour postuler dans une école privée. La fiche de pré-inscription est constituée de six pages où l’étudiant doit renseigner ses hobbies, ses expériences de stage et exprimer sa motivation à intégrer le cursus.
Notre candidature pour l’examen d’admission a été retenue sans avoir envoyé un seul des documents demandés. Le concours se déroule en distanciel et s’étale sur une heure avec un questionnaire de 40 questions sur le domaine du luxe à remplir en 20 minutes, suivi de la rédaction d’un court paragraphe d’une quinzaine de lignes sur un sujet bien précis: « Comment la personnalité des représentants du service clientèle peut-elle influencer l’expérience globale du client et sa fidélisation à une marque? » Une fois la rédaction envoyée, la dernière étape est un entretien d’une dizaine de minutes avec l’un des responsables pédagogique, en l’occurrence Olivier Guérin.
Après quelques jours d’attente, une réponse positive a été donnée par mail, proposant à l’étudiante de simplement signer un document pour valider son inscription à l’école, sans précisions sur la date et les modalités de la rentrée, ni de demande concernant les documents manquants.
Certification qualiopi : un gage de sérieux ?
« Qualiopi », le mot revient, accompagné de la Marianne sur fond tricolore, au coin de toutes leurs brochures ou au pied de leur site internet. Ce nom peu évocateur pour un étudiant, désigne un certificat obligatoire depuis 2022 pour tout organisme de formation qui souhaite bénéficier de fonds publics.
En juin 2023, la Cour des comptes, dans un rapport, met le doigt sur de nombreuses failles de cette certification. Elle signale d’abord qu’elle ne garantit pas la qualité de l’établissement : « Qualiopi n’impose pas de vérifier la matérialité ni l’existence des organismes de formation notamment par l’existence de locaux et de salariés. Il est à signaler l’absence de contrôle pédagogique dans le champ de la formation professionnelle. »
De plus, la Cour dénonce le difficile contrôle des organismes certificateurs et l’impossibilité de rétropédaler en cas de fraude avérée. Elle recommande au gouvernement, en fin de rapport, « d’arrêter un plan de lutte contre les fraudes à la formation professionnelle ».
« Nous ne sommes pas des charlatans »
Questions à Anne-Laure Monier, présidente de L’école du luxe
Comment est née l’idée ?
Cela fait 13 ans que nous avons So Posh, une entreprise spécialisée dans la gestion d’image de marque sur les festivals de films et galas de charité. Je suis aussi intervenante dans d’autres établissements reconnus en France et à l’international. Si on crée cette école c’est parce qu’on a été déçu par bon nombre d’autres écoles qui ne suivent pas ce qu’ils proposent. Il y a aussi beaucoup d’étudiants décrocheurs dans le golfe qui se retrouvent à travailler à la saison sans diplôme alors que de grandes maisons font venir des équipes d’ailleurs, plutôt que de recruter des talents locaux.
Lorsqu’on cherche à connaître l’activité de So posh, difficile d’obtenir des éléments, comment vous l’expliquez ?
Nous avons une clientèle de niche avec qui nous collaborons depuis des années donc nous n’avons pas besoin de communiquer. De plus, nous sommes liés par des contrats de confidentialité importants avec les marques de luxe et nous ne pouvons dévoiler leurs noms.
Quel gage de confiance peut-on avoir après la fin de Nanaba ?
Il ne faut pas se focaliser sur la fin. C’était une expérience entrepreneuriale extraordinaire et innovante. Nous avons subi une insuffisance due au retard de la levée de fonds et à un contexte économique où il y avait beaucoup de grèves en France. Les employés étaient au courant mais ne voulaient pas quitter la société, on le regrette profondément.
Évidemment que nous avions aussi des avis clients très négatifs car nous n’avions pas les moyens de développer l’application.
Concernant les témoignages sur Balance ta start-up, nous avons pris un avocat pour tenter de répondre, en vain.
L’école du luxe n’était-elle pas un moyen de vous rattraper alors que Nanaba périssait ?
Non, nous avions comme projet au départ de créer un centre de formation dédié au monde de la start-up et de la technologie. On crée une entreprise qui est sûrement la plus encadrée de France, nous ne sommes pas des charlatans ni des guignols. Humainement et financièrement c’était très difficile et monter une école après ce qu’il s’est passé, c’est plutôt une preuve de résilience.
Des plateaux télés au tribunal de commerce de Nice
Invités sur les plateaux télés, dans les studios de radio et dans les journaux, y compris dans nos colonnes, ils représentaient l’innovation et l’espoir. L’espoir d’une application qui pourrait bonifier le temps passé par les enfants sur les écrans avec des jeux de révision et de culture générale. C’était en tout cas la promesse d’Anne-Laure Monier et Olivier Guérin au travers de leur start-up et application éponyme Nanaba, lancées en janvier 2021. Un an plus tard, elle reçoit le prix de la start-up de l’année du groupe Nice-Matin, participe à l’émission Qui veut être mon associé ? sur M6 et représente même la région Sud au salon de l’innovation à Las Vegas.
Idylle d’entrepreneur brisée en juillet 2023. La société est épinglée sur un poste du compte Instagram Balance ta start-up qui réunit les témoignages anonymes de salariés dénonçant une forte pression au travail et un état financier de l’entreprise alarmant, les employés n’étant pas payés depuis plusieurs mois.
Olivier Guérin assurait pourtant dans nos colonnes être « en pleine levée de fonds » avec une arrivée prochaine de 500 000 euros d’investissement.
Mais la réalité rattrape les deux gérants le 14 septembre 2023 : le tribunal de commerce de Nice acte la liquidation judiciaire de l’entreprise. Une décision qui vient débloquer la situation des salariés encore dans les effectifs, dont nombre d’entre eux sont des jeunes d’une vingtaine d’années en alternance ou en première expérience professionnelle.
Collectionneur de société
Ce n’était pas la première aventure entrepreneuriale du binôme. Massalai corporate, Luxury Boat, Iluxura, Espace immo, Espace affaires, autant de sociétés fondées au fil des années et éparpillées en France. Les secteurs d’activité qui reviennent « transaction sur immeubles ou fonds de commerce », ou encore « auxiliaires de services financiers et d’assurances ». Toutes ces entreprises ont été radiées pour insuffisance d’actif, la plupart n’ont eu aucun salarié et difficile d’obtenir une trace de leur activité passée.
Lors du déclin de Nanaba, en plein tourbillon médiatique, le couple lance quatre nouveaux pions avant la liquidation de sa start-up. Loin des tribunaux de commerce qui ont mis fin à leurs activités passées, ils s’implantent à Courbevoie, Bordeaux, Montpellier et Lyon avec En avant Mauricette, l’entité derrière L’école du luxe.
Cible d’une plainte
Parmi cette liste, figure une autre société dans la tourmente : SFG Invest. En 2015, un couple de Meurthe-et-Moselle se tourne vers l’affaire d’Olivier Guérin pour placer 30 000 euros, dont 10 000 de leur fille, dans un appartement locatif afin de faire fructifier cette somme. Mais dans les années qui suivent, aucune nouvelle de leur investissement, pas de réponse à leurs sollicitations et au moment de vouloir récupérer leur dû, Nadine (1) et son mari butent sur un mur.
Après le recours à un médiateur de justice et un dépôt de plainte pour abus de confiance, toujours aucune avancée. L’entreprise a depuis été radiée et la holding transférée au Royaume-Uni. « Notre plainte a transité de Toul à Marseille où elle est actuellement bloquée. Il faut que ses autres potentielles victimes se manifestent pour que cette affaire soit prise au sérieux sinon il continuera de profiter de la naïveté des gens. Si je dois le poursuivre toute ma vie, je le ferai. »
1. Le prénom a été changé pour préserver l’anonymat.
Cette chronique se veut produite de la façon la plus authentique que possible. Dans la mesure où vous décidez d’apporter des précisions concernant le sujet « Luxe » il est possible de d’échanger avec notre équipe. Le site plaisir-secret.fr a pour finalité de publier diverses publications autour du sujet Luxe communiquées sur la toile. Pour vous faciliter la tâche, plaisir-secret.fr vous produit cet article qui aborde le thème « Luxe ». Consultez notre site plaisir-secret.fr et nos réseaux sociaux dans l’optique d’être informé des prochaines parutions.