Vin, luxe, immobilier, BTP, commerce : à qui sont les plus grandes fortunes du Sud-Ouest

Depuis presque trente ans, le magazine économique « Challenges » publie son classement des Français les plus fortunés, qu’ils habitent dans l’Hexagone ou à l’étranger. Ce travail, qui fait référence, est la source du classement que nous avons effectué pour notre région. L’édition 2024 compte 500 fortunes, parfois acquises en nom propre, parfois dans un cadre familial. Cette mouture 2024 va de Bernard Arnault (190 milliards de fortune), à la première place, à Morgane Sézalory (245 millions), fondatrice de l’enseigne de mode Sézane (500^e).

À noter que les riches sont toujours plus riches : en dix ans, la fortune cumulée des 500 a été multipliée par trois, pour atteindre presque 1 200 milliards d’euros. À titre de comparaison, c’est plus du tiers de notre Produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire l’ensemble de la richesse produite dans tout le pays.

Sur les trente premières fortunes de la région, zoom sur dix personnalités de poids.

Bernard Arnault : le luxe à tous les étages

Qui ne connaît pas Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France et parfois même du monde, au gré des fluctuations des cours de la Bourse ? Son groupe LVMH est un leader du luxe (Louis Vuitton, Christian Dior, Givenchy). Dans le Sud-Ouest, l’entrepreneur est connu pour ses vins et spiritueux. Hennessy est le numéro n°1 incontesté du cognac et sa dernière apparition dans le vignoble charentais y date de 2017, à l’occasion de l’inauguration d’une nouvelle usine.

En Gironde, deux grands châteaux comptent dans son patrimoine : Yquem (Sauternes) et Cheval Blanc (Saint-Émilion), pour ce dernier en association avec un actionnaire belge. Bernard Arnault est venu en mai 2019 à Yquem pour un dîner organisé par les crus classés 1855. En 2005, sa fille Delphine s’est mariée à Bazas, avec une fête à Yquem.

LVMH est aussi le leader en champagne (Moët et Chandon, Krug, Veuve Cliquot).

Pierre Castel : à la force du poignet

Ce 17 octobre, Pierre Castel (11^e au classement) a fêté ses 98 ans, sûrement dans sa maison de Genève (Suisse). Fils d’immigrés espagnols, né dans le Blayais (33) au sein d’une famille nombreuse, il incarne l’une des belles réussites du monde économique. Parti de rien, son groupe pèse 14 milliards d’euros soit, à titre de comparaison, trois fois le chiffre d’affaires annuel de tout le vignoble bordelais. Ses activités sont dans le vin, avec de multiples maisons de négoce – en Gironde et ailleurs – et des dizaines de châteaux, dont Beychevelle (en association avec le Japonais Santory). La bière en Afrique est son autre business.

Le patriarche tient la tête d’un groupe où le secret s’érige en culte et où la succession est un sujet tabou. De nombreux membres de la famille travaillent dans les différentes sociétés. Ces dernières années, Pierre Castel a eu maille à partir avec la justice et il s’est attiré les foudres de la viticulture bordelaise pour avoir attaqué en justice des syndicalistes venus protester devant ses installations de Blanquefort, en y causant des dégâts.

François Perrodo : la maison de Margaux

La famille Perrodo aime se retrouver à Margaux, pour les fêtes de fin d’année et les vacances, mais toujours en toute discrétion. François Perrodo, 47 ans, dirige Perenco, un prospère groupe pétrolier et gazier (8 000 employés) fondé par son père Hubert il y a plus de quarante ans. Ce dernier, d’origine bretonne et décédé d’un accident de montagne en 2006, avait acheté son premier château à Margaux en 1989 (Labégorce). Depuis, d’autres ont suivi (Marquis d’Alesme, Tour de Mons) et la 15^e famille française la plus fortunée s’impose en acteur majeur de l’appellation médocaine. Nathalie, sœur de François, gère les propriétés. Les amoureux de courses automobiles peuvent voir ce jeune patron sur les circuits : il a la passion du pilotage. Leur mère étant originaire de Singapour, on trouve des références à la culture asiatique dans les châteaux, par exemple un dragon stylisé dans le chai de Marquis d’Alesme.

Martin Bouygues : l’attachement à Montrose

On ne présente plus la famille Bouygues qui a fait fortune dans le BTP, l’audiovisuel et la téléphonie. Des activités que l’on relève, bien sûr, dans notre région. Mais Martin Bouygues (33^e au classement national) y détient un bien particulier : le Château Montrose, une des perles de l’AOC Saint-Estèphe, située en bord d’estuaire. Une autre perle de la commune étant le château Cos d’Estournel, appartenant à Michel Reybier (58^e).

L’achat de Montrose remonte à 2006 et depuis, tout a été refait. Le chai à barriques est spectaculaire et le domaine connu pour être à la pointe des innovations techniques. Son épouse Mélissa et sa fille Charlotte sont impliquées dans cette aventure que l’homme d’affaires suit de près en venant régulièrement sur place, le plus souvent en hélicoptère. L’attachement au lieu est intime puisqu’en mai 2002, son fils Edward s’est marié à Saint-Estèphe. La famille Bouygues possède également le Château Tronquoy-Lalande, sur la même commune.

Patrice Pichet : l’immobilier, son savoir-faire

Parti de rien, le Bordelais Patrice Pichet, 64 ans (78^e au classement), est devenu un des grands professionnels de l’immobilier en France. Avec son frère Benoît, il a construit un groupe présent dans la plupart des métiers de la pierre : promotion, administration de biens, exploitation hôtelière, gestion d’actifs. Il a fait la une de l’actualité en livrant un vaste ensemble immobilier, près de Paris, à l’occasion des Jeux olympiques.

Passionné de sport en général et de football en particulier, il partage son temps entre la capitale et sa maison du Cap Ferret. Comme la majorité des grands patrons locaux, il a son domaine viticole : Les Carmes Haut-Brion. Acquis en 2010, c’est le seul château qui a son adresse postale à Bordeaux même (20 rue des Carmes). Le lieu, superbe, est très ouvert à la visite. Le groupe Pichet vient également d’ouvrir un hôtel de luxe – Mondrian Bordeaux les Carmes –, dans le quartier des Chartrons.

Bernard Magrez : l’homme qui valait un milliard

Dans son Château Pape Clément, aux portes de Bordeaux, Bernard Magrez (121^e) a fait accrocher aux murs des photos montrant son premier business dans l’importation de porto – dans les années 1960 – en précisant le peu de revenus qu’il en tirait. Depuis, et c’est une grande fierté pour lui, les affaires ont prospéré et cet autodidacte de 88 ans, travailleur infatigable, pèse plus d’un milliard d’euros. Avec une vaste activité de négociant, quatre crus classés en Gironde et des biens viticoles (chais, vignes, marques) dans de nombreux pays. Toujours resté discret sur son chiffre d’affaires, il multiplie les innovations, tant au plan technique que commercial. Père de deux enfants – Philippe, qui travaille au service commercial du groupe, et Cécile – il est à recherche d’un partenaire financier pour développer ses activités et préparer l’avenir.

Bernard Magrez, amoureux sincère de notre région du Sud-Ouest et patron très exigeant, a toujours dit que Pierre Castel, pour qui il a une grande admiration, était son seul vrai ami.

Philippe Sereys de Rothschild : le Médoc au cœur

Mouton Rothschild, cru classé 1855 en AOC Pauillac, appartient à sa famille depuis 1853. Autant dire que Philippe Sereys de Rothschild (148e au classement national) se sent chez lui dans le Médoc. Comme un enfant du pays. Avec son frère Julien et sa sœur Camille, ils sont à la tête d’un groupe viticole parmi les plus puissants du Bordelais., avec une activité de négoce et de nombreux domaines (200 ha de vigne à Pauillac). Des affaires se mènent aussi à l’étranger (Californie, Amérique du Sud).

Philippe Sereys de Rothschild s’implique dans la vie culturelle à Bordeaux (prix Clerc-Milon de la danse) et sa marque Mouton Cadet occupe tous les ans le plus grand pavillon à la Fête du vin qui se tientsur les bords de la Garonne.

Deux autres branches des Rothschild sont présentes dans le Bordelais. Celle d’Eric de Rothschild, à Lafite Rothschild – sa fille Saskia est à la tête du domaine – et celle de la banquière Ariane de Rothschild (Château Clarke et Château des Laurets). Tous les deux s’inscrivent, évidemment, dans le classement (respectivement 104^e et 26^e fortunes au niveau national).

Philippe Ginestet : la fortune à petits prix

C’est en vendant des articles à tout petits prix, quelques euros parfois, que le Lot-et-garonnais Philippe Ginestet a fait une fortune qui le place aujourd’hui au 141^e rang national. Parti lui aussi de rien, il a eu la bonne idée de créer Gifi il y a plus de quarante ans. Une enseigne de discount non alimentaire qui, avant les autres, ouvrait le dimanche et s’approvisionnait en Chine. On compte aujourd’hui des centaines de magasins dans tout le pays. Face à une concurrence accrue – avec l’enseigne Action notamment – Gifi, contraction de Gi (Ginestet) et Fi (pour Philippe), est allé au-devant de difficultés financières. En restant dans ce même métier du « bazar », Philippe Ginestet a acheté en 2017 les célèbres magasins Tati. Une marque aujourd’hui disparue. L’homme d’affaires s’est aussi fait connaître dans son département en ouvrant un hôtel de 4 étoiles (Stelsia) aux façades peintes de toutes les couleurs. Très original.

Jean-François et Jean Moueix : Pétrus, la perle de Pomerol

À 78 ans, et même s’il a pris du recul, Jean-François Moueix (207^e) est l’un des hommes les plus influents du vignoble bordelais. Sa parole est écoutée. Son père Jean-Pierre, venu de Corrèze il y a presque un siècle, avait investi avec succès à Pomerol. Aujourd’hui, Jean-François et son son fils Jean (38 ans) sont à la tête de Pétrus. Onze hectares de vigne qui valent de l’or. À la surprise générale, ils en ont cédé 20 % du capital, en 2018, à un homme d’affaires américano-colombien. La famille possède un négoce spécialiste des grands crus (Duclot) et des magasins à Paris et à Bordeaux (L’Intendant, Badie).

Jean Moueix développe par ailleurs une activité dans les spiritueux. Christian, le frère de Jean-François, figure également – avec son fils Édouard – au classement (391^e place). Une maison de négoce à Libourne et plusieurs châteaux leur appartiennent. À Saint-Émilion, Belair-Monange, qui vient de se doter d’un nouveau chai, paraît le plus emblématique.

Michel Ohayon : un groupe dans la tourmente

Michel Ohayon, 63 ans, né à Casablanca et arrivé jeune en Gironde, n’aime pas prendre la lumière. Pourtant, ces dernières années, celui qui a fait fortune dans l’immobilier commercial (330^e fortune française, 200 places perdues en cinq ans) fait la une des journaux, et pas pour de bonnes nouvelles. Son groupe, endetté, chancelle. L’homme a multiplié les acquisitions, mais aussi les comparutions devant les tribunaux, en suscitant la colère des employés. Citons les déboires des magasins Go Sport, Camaïeu, Galeries Lafayette ou autres Gap.

La dernière actualité concerne un projet d’hôtel de luxe place Gambetta, au cœur de Bordeaux. La mairie est réticente et des pourparlers sont engagés. Michel Ohayon possède déjà le Grand Hôtel de Bordeaux, un palace avec une table étoilée. Il est aussi viticulteur à Saint-Émilion avec le Château Trianon. Les travaux annoncés depuis des années, avec des chambres grand luxe, se font toujours attendre.

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