C’est une affaire sordide, comme on en voit rarement. Un de ces faits divers qui fait froid dans le dos. Un scénario de série noire, digne de Fargo. Sauf que l’histoire est réelle, a coûté la vie à un homme et envoyé trois jeunes en détention provisoire, que l’on aurait pu croire au-dessus de tout soupçon. Activement recherché durant sa cavale de plusieurs mois à l’étranger, un quatrième complice présumé (plus âgé que ses comparses), a été à son tour interpellé et mis en examen le 22 janvier dernier.
Depuis juin dernier, une information judiciaire est ouverte par le parquet de Grasse pour « enlèvement, séquestration, vol en bande organisée et recel de cadavre ».
La victime? Christophe Fruchart, 50 ans, un passionné de voitures, de luxe notamment, qui avait monté sa propre affaire à Juan-les-Pins, sur la commune d’Antibes.
« Un homme normal, sans histoire »
« Un homme normal, sans histoire, plutôt discret, qui était très apprécié de son entourage à Juan et présentait un casier judiciaire tout à fait vierge », décrit Me Melissa Merceret, avocate de la partie civile, pour couper court à toute rumeur malveillante.
Oui, mais un homme que l’amour des belles carrosseries a sans doute exposé à de sombres desseins…
Le samedi 17 juin, inquiets de son absence, ses proches donnent l’alerte. Dans ses boxes, en sous-sol d’une résidence à Juan-les-Pins, une Lamborghini a disparu. Des traces de sang, des indices de lutte, laissent présager du pire.
Battu à mort avec une batte de base-ball
Les investigations confiées à la Brigade de recherche de Cannes, vont rapidement porter leurs fruits. La téléphonie et la vidéosurveillance permettent de suivre la piste d’un autre véhicule appartenant à la victime, selon un étrange trajet qui mène à l’arrière-pays grassois. « Chris » Fruchart, lui, reste malheureusement invisible.
En revanche, quatre suspects sont bientôt identifiés. Notamment Loïc R. et Thomas C., deux Azuréens âgés d’une vingtaine d’années, qui nettoient de fond en comble un véhicule, comme pour faire disparaître toute trace. Le duo sera interpellé sur l’autoroute, alors qu’ils prenaient la direction de l’Italie. Enzo G., la vingtaine lui aussi, tombe à son tour dans les mailles du filet, alors qu’il avait regagné en urgence la région parisienne. Gaël S., plus âgé puisqu’il a quasiment la cinquantaine, a provisoirement eu le temps de prendre la fuite à l’étranger. Il y sera finalement interpellé et extradé pour être à son tour mis en examen, le 22 janvier dernier.
Le corps déterré dans la forêt
Pour Christophe Fruchart, hélas, il est déjà trop tard. Guidés par les suspects, qui reconnaissent l’enlèvement et la séquestration de la victime, les enquêteurs déterrent le corps du défunt dans la forêt communale de Gourdon, le 21 juin.
Le malheureux aurait succombé à ses blessures, infligées par une batte de base-ball, alors qu’il opposait trop de résistance à ses ravisseurs. Qui a porté le coup fatal? À quel moment? Y avait-t-il eu une volonté délibérée de tuer? Ce sera à l’instruction à déterminer le rôle exact de chacun, et les circonstances précises de ce meurtre, alors que des confrontations sont sans doute à venir.
Mais le profil des auteurs présumés, qui semblent avoir agi comme des criminels chevronnés par certains aspects, comme des pieds nickelés par d’autres, laisse particulièrement pantois.
« Les faits sont très graves, la violence gratuite »
« Ces jeunes pourraient être les gamins de Monsieur et Madame tout le monde, on a parfois l’impression qu’ils se sont crus dans un jeu vidéo « , estime Me Sophie Jonquet, l’avocate de Thomas C.
Aucun n’affiche de passé délinquant. Mais ces « gringalets » se sont comportés comme de véritables hommes de main. Loïc R. est même un enfant de bonne famille, fils d’un éminent praticien à Mougins, et a connu Thomas C. dès l’enfance. Ce dernier présenterait quant à lui « une grosse fragilité psychologique, en rupture psycho-affective. On attend d’ailleurs avec impatience les résultats des expertises, psychologiques notamment, et les confrontations, pour avancer nos éléments de défense », souligne encore Me Jonquet.
Pour Me Merceret, qui représente les proches de Christophe Fruchart, pas question néanmoins d’atténuer leur responsabilité.
« Certes, on peut de prime abord penser qu’on a affaire à des jeunes qui ne réfléchissent pas. Mais certains sont très intelligents, et leur profil psychologique peut vraiment inquiéter pour l’avenir…, pointe l’avocate grassoise, qui entend se concentrer sur ce qui est malheureusement arrivé à la victime. Les faits sont très graves, la violence est gratuite et a conduit à la mort d’un homme. Et même si l’on ne comprend pas pourquoi ni comment ils ont pu en arriver là, il faut que justice passe et qu’ils soient sévèrement punis. »
Le mobile avancé, là aussi, désarçonne. Selon les premiers éléments du dossier, la petite bande aurait projeté d’exploiter une mine d’or en Amérique du Sud. Pour trouver les fonds nécessaires, l’idée aurait été de dérober des voitures de luxe à Christophe Fruchart durant sa séquestration, afin de les revendre à l’étranger. Ou bien de lui faire signer une reconnaissance de dette. Mais cette improbable quête de l’Eldorado les a tous conduits en enfer.
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