La nature serait-t-elle le nouveau luxe

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Et si le plus grand luxe était dans la déconnexion au tout tech et la reconnexion à la nature ? Peut-être bien.

Les marques de luxe ont un lourd pouvoir sur nos imaginaires. Et il semblerait qu’elles soient en passe de lâcher les codes de l’ostentatoire pour injecter plus de nature dans leur communication. C’est le constat que fait Les Others Studio, agence de communication du média Les Others dans son rapport de tendances « Outdoor Calling ». Entretien Damien Bettinelli, cofondateur du groupe Les Others.

Les marques du luxe veulent aller prendre l’air ?

Damien Bettinelli : Depuis 10 ans, nous sommes témoins d’un déplacement du désir et d’un changement de paradigme : le sens prime sur le superflu et l’authenticité sur l’ostentatoire. La nature devient le décor, le terrain d’expression et la première source d’inspiration de ces Maison de luxe, dont le poids culturel dépasse largement leurs collections.

Comment ce mouvement s’illustre dans le récit des marques de luxe ? À quoi nous renvoit-il ?

D. B. : Depuis la pandémie, les consommateurs ressentent le besoin de se reconnecter à la nature. Mais l’exode urbain reste pour beaucoup un mythe. Dans la tendance que nous avons appelée « nature cocon : un territoire refuge », la nature devient un échappatoire, un lieu pour se ressourcer. De nombreuses marques investissent cette image d’une nature envisagée comme un ailleurs désirable. La résurgence du birdwatching (observation des oiseaux) illustre cette tendance. La marque de prêt-à-porter Lemaire s’en est emparée. Sa collection automne-hiver 2023 proposait des appeaux : des petits instruments qui imitent le chant des oiseaux et permettent à ceux qui les utilisent d’attirer ces animaux pour mieux les observer. La nouvelle signature de la marque Aigle « Respirez, vous êtes dehors » illustre aussi cette tendance. On voit d’ailleurs se multiplier des collaborations entre des marques de luxe et d’autres venant de l’outdoor : Gucci et The North Face ou Vuarnet et Fusalp.

Ce retour à la nature répond aussi aux préoccupations sociétales ?

D. B. : Espèces en voie d’extinction, catastrophes naturelles, réchauffement climatique. Impossible d’évoquer la nature sans y associer la menace qui pèse sur elle. En s’emparant de la question de l’environnement et de l’écologie, l’industrie du luxe s’inscrit dans le récit d’une nature précieuse mais fragile qu’elle promet de préserver. Mais au-delà du fait d’être en résonance avec les préoccupations environnementales des consommateurs, les marques doivent aussi protéger leurs actifs. Certains acteurs ont des savoir-faire et des produits intimement liés au monde végétal. C’est le cas de Guerlain dont l’emblème est l’abeille ou de Ruinart qui est ancrée dans un terroir impacté par le changement climatique. Leur communication orientée sur la nature et sa préservation illustre leurs combats et fait sens pour les consommateurs. Toutefois, elles sont constamment sur une ligne de crête. Leur communication se doit d’être le reflet d’une politique de responsabilité sociale et environnementale solide.

Peut-on dire que cette attention portée à la nature contribue à l’élaboration d’un nouvel imaginaire ?

D. B. : C’est pour moi le symbole d’une transformation du désir. Dans la culture populaire, le rêve a longtemps été synonyme de luxe. Palaces, prestige, grosses montres… Mais l’ostentatoire fait moins rêver. Une image d’Epinal qui va jusqu’à être caricaturée, comme en témoignent le hashtag Eat The Rich ou des séries comme The White Lotus. Cette évolution pousse les marques à revoir leur positionnement et leurs messages pour véhiculer d’autres imaginaires. Le quiet luxury (luxe tranquille est un style de vie sans démonstrations manifestes de richesse) illustre ce besoin de privilégier la sobriété plutôt que l’ostentation.

Les questions du climat auraient eu un impact sur la définition du luxe elle-même ?

D. B. : En répondant à l’appel de la nature, le luxe confirme sa capacité à lire l’époque qu’il traverse. Une époque qui appelle de ses vœux un retour au réel et une plus grande connexion avec le vivant. La définition du luxe évolue : la désidérabilité d’une marque ne tient plus uniquement à son prix, mais à sa résonance culturelle. Elle n’existe plus seulement à travers ses produits, elle tend à devenir une « marque média » avec une production audiovisuelle et culturelle forte. Il y a cette tendance que nous avons baptisée la « Nature Magique » où la nature devient le lieu privilégié du réenchantement et de l’inspiration créative. Une vision fantasmée de la nature qui se retrouve dans des esthétiques populaires comme le cottagecore (esthétique romantique de la vie à la campagne) ou le mermaidcore (imaginaire lié aux sirènes). Les marques s’inspirent de la nature créatrice et bienfaisante pour alimenter leur récit et proposer une alternative au tout technologique.

Si le Luxe s’inspire de l’outdoor, l’inverse est-il vrai ?

D. B. : Les grandes maisons de mode et les marques outdoor partagent certains critères du luxe (héritage fort, capacité d’innovation, direction artistique marquée). Et certaines marques outdoor accèdent même au statut de marque de luxe. Dans son dernier rapport sur les nouvelles règles de l’industrie, Highsnobiety dévoilait un classement des marques où des grandes maisons comme Prada côtoient des marques lifestyle comme Aimé Leon Dore mais aussi des acteurs historiques de l’outdoor comme Salomon qui, avec des modèles phares comme la Xt-6, se retrouvent régulièrement sur les podiums et au pied des fashionistas. Des matières comme le Gore-Tex (membrane technique) sont perçues comme des textiles luxueux. Une nouvelle vague de marques outdoors indépendantes, telles que SatisfyRoa Hiking, cassent les silos entre luxe et outdoor. Ces marques qui proposent une esthétique et un univers créatif très pointus, sont à la croisée des chemins. Si l’outdoor mue, cette transformation participe également à celle de l’industrie du luxe.

Déclin de la biodiversité, changement climatique… La nature devient-elle le nouveau luxe ?

D. B. : C’est ce qu’on soutient. C’est presque cynique. Le luxe est rare, la nature de plus en plus, elle devient donc un luxe. Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est de nous retrouver hors des notifications, de la circulation, des stimulations permanentes. Il y a une forme de trop-plein, qui a été en partie véhiculé par « l’ancien luxe » et dont on veut se défaire. L’ostentoire inspire moins. Le nouveau luxe, c’est peut-être simplement le silence, l’air frais, les odeurs naturelles. Le désir change et s’oriente vers une forme de sobriété, de légèreté et de simplicité pour être en phase avec les limites actuelles de la planète. Si ce nouveau mode de vie fait rêver et que les marques de luxe s’emparent de ce récit pour le valoriser culturellement, c’est positif. Pour accompagner l’évolution de la société, nous avons certes besoin de l’engagement des activistes ou des militants pour sensibiliser, informer et alerter sur les enjeux, mais il faut aussi inspirer. L’écologie considérée comme « punitive » peine à mobiliser. Si les marques de luxe et leurs budgets de communication pharaoniques, participent à construire un récit désirable, on ne peut que s’en réjouir.

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