Ce que la loi influence va changer pour les créateurs de contenus mode et luxe

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© Getty Images loi influenceur mode

Encadrer l’influence commerciale et lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux : telle est l’ambitieuse vocation de la proposition de loi déposée en janvier dernier qui vise à réglementer, pour la première fois, l’industrie de l’influence se voit questionnée sur ses pratiques commerciales pas toujours très éthiques.

« Le Net, ce n’est pas le Far West », avait fustigé le ministre de l’Economie Bruno Le Maire qui soutient activement cette initiative législative, motivée par les récents scandales liés à la promotion d’opérations de chirurgie esthétique dangereuses ou à des investissements financiers frauduleux.

C’est dans l’intérêt de l’immense majorité : celle qui a un comportement responsable, respectueux des règles, qui ne mérite pas de voir son image polluée par une minorité malhonnête. – Stéphane Vojetta

« Certaines victimes de ses pratiques se sont mobilisés et certains d’entre nous se sont appliqués à s’en faire les relais », nous explique au téléphone Arthur Delaporte, député PS et co-rapporteur de cette loi transpartisane qui, si elle est votée, s’appliquera aux quelque 150 000 influenceurs présents en France.

Et si les sphères de la mode et du luxe n’étaient pas particulièrement dans le viseur du Parlement, elles seront bel et bien concernées par cette loi qui semble faire le bonheur des uns comme le malheur des autres.

« Cette loi a l’avantage de poser un cadre officiel », reconnaît Carine Fernandez, présidente de l’Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu, contactée par email. « Mais elle présente encore certains risques », nuance-t-elle.

On fait le point.

Influenceur mode, le droit français entend donner un cadre plus précis

Élément fédérateur de la loi influence qui a le mérite de mettre tout le monde d’accord, la définition légale de l’activité d’influenceur permet enfin de donner un statut et une existence administrative à cette activité que beaucoup peinent encore à considérer comme une profession, un métier à part entière.

Finie l’idée que les influenceurs ou créateurs de contenus postent innocemment des outfits of the day sous prétexte d’aimer les maisons de luxe ou de donner des astuces stylistiques à leurs followers à laquelle elle prêche la bonne garde robe.

Désormais « toute personne physique ou morale qui crée et diffuse, à l’intention du public français, par un moyen de communication électronique, des conseils ou contenus faisant la promotion, directement ou indirectement, de produits ou de services en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature » sera désormais considérée comme un influenceur.

« Le Net, ce n’est pas le Far West » – Bruno Lemaire, ministre de l’Economie

Par ailleurs, l’utilisation de contrats pour réglementer les relations entre marques, agences et créateurs de contenus devront être systématique « dès lors qu’il y a une prestation économique d’influence commerciale », afin de garantir les droits des influenceurs et légitimer ce que la ministre des PME Olivia désigne comme étant « un métier récent. »

Une reconnaissance valorisante qui vise à casser les préjugés qui entachent la notoriété des créateurs de contenus, notamment pour ceux et celles pour qui l’influence c’est simplement prendre la pose, oubliant que certains ont dû développer des compétences en tant que photographes, vidéastes, mannequins, directeurs artistiques, graphistes, etc.

« C’est dans l’intérêt de l’immense majorité : celle qui a un comportement responsable, respectueux des règles, qui ne mérite pas de voir son image polluée par une minorité malhonnête. » avait commenté Stéphane Vojetta, le co-rapporteur de la loi lors de l’examen de la loi en commission parlementaire.

 

Ce qui n’est pas sans réjouir certains des principaux concernés. « Cette loi contribuera au développement d’une relation de confiance encore plus forte avec les consommateurs. » se réjouit Carine Fernandez, qui souhaite faire savoir que le secteur de l’influence est “très majoritairement sain, générateur d’emplois et inspirant pour la jeunesse ».

La mise à mort du gifting ?

Mais les conséquences de cette loi toucheraient malgré tout le système de l’influence tel qu’il est mis en place actuellement.

Les influenceurs mode – comme ceux issus des autres secteurs – auront une obligation de transparence vis-à-vis de leur communauté quant aux collaborations commerciales qu’ils entretiennent avec une marque ou une organisation.

Autrement dit, lorsqu’un créateur de contenu fera la promotion d’un sac, d’un bijou ou d’une tenue en échange d’une somme d’argent, il devra obligatoirement mentionner ce partenariat avec la mention « publicité ». « Cela existait déjà mais on a renforcé la mesure et les sanctions attenantes. » nous précise Arthur Delaporte.

Résultat ? En cas de non-respect de la loi, ou si l’influenceur dissimule la véritable intention commerciale de sa publication, il risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement, au lieu des six mois initialement prévus, tandis que l’amende s’élèverait ainsi à 300 000 euros.

Sans surprise, c’est sur cette notion de publicité que le bât blesse. Et pour cause, cette mesure s’applique également quand le partenariat se fait en échange d’avantages en nature. Comprendre, l’obtention gratuite de vêtements, accessoires ou objets.

Cette loi a l’avantage de poser un cadre officiel. – Carine Fernandez

Une pratique courante dans le monde de l’influence mode, une marque amorçant généralement sa collaboration avec une influenceuse par le biais d’un échange de visibilité : l’envoi d’un produit contre un post Instagram ou une vidéo Tiktok dans laquelle elle arbore le-dit produit, de sorte à le rendre désirable… et à inciter implicitement sa communauté à l’acquérir avec ses propres deniers.

« Certaines influenceuses recevaient beaucoup de cadeaux d’une marque, se prenaient en photo avec et ne faisaient finalement pas la mention d’un contenu à caractère promotionnel. » souligne le député Arthur Delaporte. 

 

Exit donc l’ère des cadeaux à gogo et des fringues gratuites en échange d’un selfie légendé de 3 emoji coeurs et d’un tag discret sur la photo : chaque post constituant un échange réciproque de bons procédés entre la marque et l’influenceur devra être nommé pour ce qu’elle est : une publicité.

Certains acteurs du marché étaient réticents aux mesures obligeant les influenceurs à mentionner le caractère publicitaire d’un post lié à un « cadeau » – Arthur Delaporte

De quoi remettre en question la pertinence éditoriale de bon nombre d’influenceurs qui ont fait de leur style et/ou de leur dressing leur fond de commerce sous couvert d’une authenticité bien souvent simulée… et la stratégie de communication de bon nombres de marques et maisons de luxe pour qui les créateurs de contenus ne sont pas loin de la manne providentielle.

En coulisses, certaines entreprises de prêt-à-porter et leurs représentants n’ont pas manqué de faire part de leurs inquiétudes au gouvernement. « Certains acteurs du marché étaient réticents aux mesures obligeant les influenceurs à mentionner le caractère publicitaire d’un post lié à un « cadeau », nous glisse à demi-mots le député Arthur Delaporte.

La « loi influence », un frein économique et créatif ?

Pour Carine Fernandez, cette lutte contre le gifting pourrait être préjudiciable aux créateurs de contenus, notamment les moins influents et/ou les moins reconnus par la profession.

« Les marques risquent d’être de plus en plus regardantes sur les créateurs de contenus qu’elles vont vouloir activer. Notamment en identifiant en priorité, pourquoi pas, ceux qui ont obtenu leur certificat d’influence responsable via l’ARPP. » suggère Carine Fernandez, qui mentionne le label « Relations influenceurs responsables » voulu par le gouvernement pour toute personne morale contribuant, dans le cadre de ses activités, à la prévention des arnaques et des dérives des personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique.

La représentante pointe également un problème d’ordre fiscal qui toucherait plus particulièrement les influenceurs. « Le gifting de produits de luxe représente un avantage en nature aux yeux des impôts, et que dès lors qu’un contenu est demandé en contrepartie d’un produit offert, le contenu publié est considéré comme un partenariat rémunéré. » rappelle-t-elle.

Cette contrainte ne tient pas compte de la réalité des réseaux sociaux et de leur potentielle évolution. – Carine Fernandez

Une politique restrictive, qui pénaliserait également les jeunes influenceurs à la communauté (et aux revenus) en devenir, pour qui les biens en nature permettent de soutenir financièrement une activité professionnelle balbutiante. Or la loi s’appliquera à tous les influenceurs, de ceux suivis par des millions d’abonnés aux micro-influenceux, soit ceux qui n’en compte que quelques milliers.

Par ailleurs, cette loi pourrait aussi présenter un challenge à la fois technique et commercial pour les influenceurs comme pour les marques qui les emploient. « Indiquer la notion de publicité sur l’entièreté d’un contenu vidéo est un véritable frein à la créativité, qui n’existe pas pour les autres secteurs du digital d’ailleurs. » souligne-t-elle.

On ne va pas mettre un contrôleur pour chaque influenceur. – Arthur Delaporte

Et pour cause, lorsqu’une marque réalise une vidéo en collaboration avec un magazine ou un journal en ligne, le caractère publicitaire de ce contenu n’est pas obligatoirement mentionné.

« De plus, cette contrainte ne tient pas compte de la réalité des réseaux sociaux et de leur potentielle évolution : comment devrions-nous identifier un partenariat sur un réseau social vocal ? Sur un podcast ? », pointe-t-elle, semblant suggérer que cette obligation réduirait l’impact commercial des contenus.

En effet, difficile d’imaginer que les contenus d’influenceurs soient aussi attractifs et inspirants s’il nous est rappelé à notre bon souvenir, tout au long de son visionnage, qu’il ne vaut pas plus que les prospectus et autres flyers qui polluent notre boîte aux lettres ou nos spams.

Inapplicable « loi influenceurs » ?

Encore faut-il que la loi soit votée…. et appliquée.

Pour que ces obligations soient effectivement respectées, les parlementaires souhaitent mettre en place des outils  de signalement par les plateformes, « faciles d’accès et d’utilisation », désigner des « signaleurs de confiance » dont les demandes devront être traitées en priorité par les plateformes sociales et surtout créer une équipe de quinze personnes au sein de la Répression des fraudes (DGCCRF), destinée à traiter les signalements des consommateurs.

« De la même manière qu’on ne met pas un policier derrière chaque citoyen, on ne va pas mettre un contrôleur pour chaque influenceur » ironise Arthur Delaporte.

Indiquer la notion de publicité sur l’entièreté d’un contenu vidéo est un véritable frein à la créativité, qui n’existe pas pour les autres secteurs du digital d’ailleurs – Carine Fernandez

Difficile d’imaginer qu’une majorité le soit, a fortiori au regard des frontières poreuses qui séparent publicité et mise en valeur lorsqu’on regarde la plupart des contenus d’influenceurs mode.

En effet, comment différencier un post Instagram dans lequel une personnalité influente porte un cadeau envoyé par un jeune label en manque de visibilité parce qu’elle a tout simplement aimé la pièce, d’un post où il est clair et entendu par les deux parties que le post fait office de promotion et que le cadeau vaut rémunération ?

Des subtilités, certes, mais qui pourraient bel et bien soulever des débats dans les mois prochains, au-delà même des rangs de l’Assemblée.

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