Alain Némarq, PDG de Mauboussin au JDD : « Il y a vingt ans, le luxe accessible n’existait pas

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Le joaillier Mauboussin a été fondé en 1827. Depuis, la maison a connu des hauts et des bas… Accumulant les pertes au début du siècle, elle a été spectaculairement remontée grâce au travail d’Alain Némarq, qui cumule plusieurs casquettes : directeur artistique, PDG et actionnaire, puisqu’il possède un quart de l’entreprise, le reste étant aux mains des Galeries Lafayette. Avec un positionnement de « luxe accessible » (affirmé notamment par l’affichage du prix des bijoux sur ses publicités), le chiffre d’affaires du bijoutier est passé de 12 millions d’euros en 2003, à 89 millions cette année.

Le JDD. Chez Mauboussin, 70 % des clients… sont des clientes. Cela signifie que, désormais, les femmes viennent s’offrir elles-mêmes des bijoux ?

Alain Némarq. Exactement ! Il y a vingt ans, quand je suis arrivé chez Mauboussin, le luxe accessible n’existait pas. La haute joaillerie, c’était essentiellement un commerce de trophées, d’objets de statut social. J’ai développé l’idée que le bijou était une seconde peau, une carte d’identité de la femme ou de l’homme qui le portait. L’auto-achat est devenu quelque chose d’important. Aujourd’hui, nous vendons 75 % de produits pour femme et 25 % pour homme, avec notamment des bracelets et notre gamme d’horlogerie.

Le 14 février, c’est la Saint-Valentin. Est-ce une bonne période pour la bijouterie-joaillerie ?

Il y a vingt ans, nous réalisions 5 % de nos ventes à l’occasion de la Saint-Valentin, aujourd’hui c’est le double. Mais c’est un plafond, ça reste moins qu’à la Fête des mères ou à Noël. Surtout, ce sont les produits les plus accessibles que l’on vend le mieux pour cette fête : des petits bracelets, des boucles d’oreilles et peu de bagues. Les produits vendus à la Saint-Valentin sont un tiers moins cher que ceux que nous vendons traditionnellement. Cette fête, c’est un moment pour dire « Je t’aime », avec un petit cadeau. Dans mon enfance, on se déclarait avec un bouquet de violettes, donc c’est déjà pas mal d’être passé de quelques fleurs à un bijou, même petit !

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Pourquoi sous-traiter la fabrication de vos bijoux ?

Mauboussin est depuis toujours une maison de création, donc la création est faite en interne. En revanche fabriquer, ce n’est pas notre métier : d’autres le font mieux que nous, à des meilleurs prix. Surtout, nous pouvons ainsi aller chercher les meilleurs fournisseurs pour les différents produits et sommes libres d’en changer selon nos besoins. Notre production est faite à 65 % en France et le reste en Europe, en Italie, en Espagne et au Portugal. En revanche, les modèles sont 100 % dessinés par nous : nous n’achetons pas des bijoux, nous les faisons fabriquer, avec nos dessins et notre cahier des charges.

Que représente la diversification, hors bijoux, pour vous ?

L’horlogerie se développe bien : nous sommes passés de 15 000 montres vendues par an en 2015 à près de 80 000 aujourd’hui. Nous venons de nous lancer dans la maroquinerie, après trois ans de tests et de lourds investissements, avec une première collection de sacs. Nous avons 32 références, modèles, couleurs, matières, et la gamme est appelée à s’étoffer. L’accueil est très bon : nous allons probablement finir le semestre avec 12 000 pièces vendues et 20 000 d’ici la fin de l’année, sachant que mon ambition est d’arriver à 100 000 ventes d’ici fin 2026. Nous avons aussi une licence pour le parfum, qui représente 13 millions d’euros de ventes, ce n’est pas négligeable. Et une petite gamme de stylos, qui fonctionne bien.

Vous réalisez 65 % de vos ventes en France, mais vous vous développez de plus en plus à l’étranger…

Oui, nous avons récemment ouvert une boutique à Bruxelles, une autre à San Sebastián et bientôt Tokyo. Mais nous continuons à chercher des emplacements en France, où nous avons déjà 92 boutiques. Ça pourrait être à La Rochelle, au Touquet, par exemple. Nous avons 350 salariés, environ 50 au siège et le reste dans les boutiques.

Avez-vous subi l’inflation ?

Oui et ce n’est pas terminé : l’or, l’argent, les pierres précieuses de couleur sont encore très chers. Les prix du diamant en revanche se calment un peu. Bien évidemment, nous avons essayé de nous battre pour avoir le moins de hausses de prix possible. Nous avons réussi à n’augmenter nos prix que de 7 % cette année, ce qui est vraiment raisonnable. Pour maintenir notre compétitivité, nous lançons beaucoup de nouveaux produits : un nouveau bijou toutes les six semaines en moyenne. Et désormais, on fait plus attention au prix dès la conception d’un bijou qu’il y a quelques années. Mais ce qui change surtout avec l’inflation, c’est le comportement des consommateurs : ils n’achètent plus la même chose, vont privilégier des pièces moins chères. Ou vont venir chez nous au lieu d’aller chez nos concurrents plus chers !

C’est pour cela que, plus que jamais, vous mettez en avant votre « accessibilité » ?

Oui, sachant que l’accessibilité ne concerne pas que le prix. C’est important, bien sûr, d’avoir la gamme la plus large possible et de pouvoir répondre à toutes les demandes. Que le client ne se sente pas pris au piège quand il arrive chez nous. Mais pour moi, l’accessibilité, c’est aussi dans le style et la création. Et elle est aussi géographique, avec des boutiques partout en France et notamment dans les zones de forte chalandise comme les grands centres commerciaux, où nous faisons de très belles ventes, notamment à Parly 2, ou encore à Vélizy ​2 où nous avons d’ailleurs ouvert une boutique uniquement consacrée à notre nouvelle ligne de maroquinerie. Nous vendons pour 13,8 millions d’euros sur Internet, sur un chiffre d’affaires total de 89,8 millions. C’était 3 millions en 2020. C’est devenu très important. Le marché global de la joaillerie pèse à peu près 3,6 milliards. La joaillerie accessible représente un milliard d’euros. Je pense que la joaillerie accessible atteindra un milliard et demi d’ici trois ans. C’est elle qui va porter la croissance.

Vous êtes aussi directeur artistique, où trouvez-vous l’inspiration ?

Un directeur artistique, ce n’est pas quelqu’un qui s’appuie sur des études de marché. C’est quelqu’un qui croit en son intuition. Pendant très, très longtemps, je passais beaucoup de temps aux terrasses des cafés à observer les gens et à les croquer. Et à imaginer sur eux les bijoux et objets que je dessinais. Moi, j’aime bien l’idée de me dire que si mon métier est éventuellement de faire des couronnes, celle de Miss France, certes, celle de la princesse du Danemark en son temps, certes, c’est la princesse de la rue qui est ma priorité. Pour moi, le luxe ne doit pas être réservé à certains, on doit pouvoir faire rêver tout le monde. Et mon travail créatif, c’est de trouver le moyen de rendre ce luxe accessible au plus grand nombre.

Qui sont vos concurrents aujourd’hui ?

Un peu tout le monde. Il y a des produits accessibles dans toutes les marques. Une marque comme Louboutin, par exemple, est un concurrent stratégique. Une femme qui s’offre une paire de Louboutin ne va pas s’acheter un bijou. Il y a quelques années, la sortie d’un nouvel iPhone était une concurrence, mais c’est moins vrai désormais.

Comment vous voyez la maison dans dix ans ?

J’espère que nous serons présents dans encore plus de pays. Et que la création tiendra toujours une place prépondérante. Mais c’est compliqué pour moi de répondre à cela car c’est l’immédiat qui m’intéresse. Aujourd’hui et demain et pas après-demain.

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