Réservé aux abonnés
People, argent, villas et appartements au cachet rare… La vie des agents immobiliers de luxe suscite clairement des fantasmes, au vu des cartons d’audience de la série L’Agence sur Netflix. Mais derrière le glamour des caméras se cache un écosystème discret et très méticuleux.
Qui ne rêverait pas de guider des millionnaires comme George Clooney, Frédérique Bel ou François Berléand dans leurs recherches de somptueuses villas à acheter ? À travers la série l’Agence, les spectateurs ont récemment découvert sur Netflix ou sur la chaîne TMC une image très glamour du métier d’agent immobilier de luxe. Basée à Boulogne-Billancourt, la famille Kretz, incarnée par Olivier, Sandrine ou encore leurs enfants Martin et Valentin, met – souvent avec humour – leur “job de rêve.” Un travail qui consiste à trouver pour des clients très fortunés des logements fastueux et rares, à acquérir ou à vendre. Dans ce monde très luxueux, les prix des logements s’évaluent ainsi à des millions, voire des dizaines de millions d’euros.
“La valeur d’un bien ne se mesure pas à son prix, mais aux émotions qu’il procure”, justifient les Kretz sur leur portail d’annonce. Des émotions, en tout cas, ils en ont offert à des milliers de spectateurs. La preuve, au printemps dernier, l’Agence avait ainsi atteint le Top 10 des séries les plus regardées sur Netflix en France, d’après Allociné. Une quatrième saison serait en préparation afin de faire perdurer ce succès.
“L’image véhiculée par la série est parfaitement fausse, mais je comprends que les gens passent un bon moment devant”
Et pourtant. Les caméras de la série ne montrent qu’une vision partielle du métier, les aspects les plus glamours. Pas forcément les coulisses parfois ingrates. “Je suis étonné de voir que dans mon entourage, des gens imaginent que la série l’Agence reflète notre vrai quotidien”, nous renvoie le dirigeant d’un important réseau d’agences immobilières à Paris. “L’image véhiculée par la série est parfaitement fausse. Mais je comprends que les gens passent un bon moment devant.”
L’art de la discrétion
Mais alors, à quoi ressemble vraiment le métier d’agent de luxe ? En France, il se démarque sensiblement du modèle présenté par la série. “Aux États-Unis, les agents immobiliers peuvent effectivement être mis en avant et starisés, comme dans la série l’Agence. Mais en France, notre culture est très différente”, témoigne Richard Tzipine, le directeur général du réseau Barnes.
Le maître mot, chez les agents français : la discrétion dans les affaires. “Les ventes de biens d’exception sont rares, et restent volontairement dans l’ombre. Cette discrétion est appréciée par les propriétaires et les acheteurs”, décrit Frank Sylvaire, le président du réseau Paris-Ouest Sotheby’s International Realty. Aux yeux des agences de luxe, la réserve respecte ainsi la pudeur des acquéreurs et des vendeurs, pour qui l’achat ou la vente d’un domicile reste un acte intime. “Un tiers de nos effectifs vient du monde de la finance, qui ressemble beaucoup à notre métier. Il faut négocier du matin au soir, et être discret”, glisse-t-il.
Petite particularité de l’immobilier de luxe : une fraction des transactions se réalise “off market”, c’est-à-dire sans diffusion d’une annonce sur un portail spécialisé. Une pratique qui, assurent les agences, reste toutefois minoritaire. Pour ces biens exceptionnels, le simple carnet d’adresses des agents immobiliers suffit alors à trouver des acquéreurs en quête de la perle rare. “Il nous arrive, dans un premier temps, de proposer à nos clients en off market un bien dont on pense qu’il se vendra rapidement. Si cela n’est pas le cas, on peut alors passer une annonce. C’est une stratégie de vente possible”, décrit Jean Anselyn, directeur de Barnes bassin d’Arcachon. “Le off market limite certes les moyens de trouver un acquéreur potentiel, mais il peut aussi répondre à un impératif de discrétion du vendeur”, complète Frédéric Barth, le PDG Côte d’Azur Sotheby’s International Realty.
À LIRE AUSSI Luxe : les incroyables ventes immobilières de l’année 2022
Pour garantir l’anonymat des vendeurs et des acheteurs, des accords de confidentialité peuvent par ailleurs être négociés par les parties prenantes. “Je repense à un joueur du PSG, à qui nous avions vendu un logement à 20 millions d’euros. L’acquéreur et son avocat nous ont fait signer un contrat nous interdisant de donner le nom du joueur”, décrit Frank Sylvaire. “Nos clients sont des chefs d’entreprise, des personnalités du monde du spectacle, des gens d’influence. Ils préfèrent souvent que leur identité soit préservée”, explique l’agent de luxe.
Connaître les codes internationaux du luxe, et les entretenir
Bien sûr, pour attirer ces riches clients, les agents immobiliers de luxe ont parfois recours à de la “publicité” sous différentes formes : presse, réseaux sociaux, partenariats commerciaux, etc. Néanmoins, pour les réseaux historiques, l’image de marque et la notoriété restent les meilleures armes d’attraction. “Beaucoup de clients nous contactent par l’intermédiaire d’une relation personnelle, ou en raison de notre renommée. La réputation du réseau est très importante”, décrit ainsi Marie-Hélène Lundgreen, la directrice de Belles Demeures de France, une filiale internationale du réseau Daniel Féau.
Dans les réseaux de luxe, on ne recrute ainsi pas seulement sur les connaissances techniques du métier d’agent immobilier. Mais aussi sur la capacité à entretenir un réseau, y compris international. “J’ai une équipe autour de moi de douze personnes, qui parlent toutes plusieurs langues. C’est extrêmement important de posséder cette culture internationale, illustre ainsi Marie-Hélène Lundgreen. Je suis Belge, j’ai vécu en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en Grèce… Je parle moi-même cinq langues.”
Les agents polyglottes sont donc naturellement recherchés dans un univers du luxe très cosmopolite. D’après l’index annuel publié par le réseau Barnes, Paris est ainsi redevenue la ville la plus attractive pour les grandes fortunes en 2022, boostée par les acquéreurs étrangers. L’index se base sur une série de critères économiques, culturels, pratiques et de désirabilité. “Nous travaillons avec des clients qui ont des bases culturelles très différentes”, confirme lui aussi Frédéric Barth, le PDG de Côte d’Azur Sotheby’s International Realty.
“Si l’on n’a pas les codes pour rassurer, la connexion ne va pas s’établir. Il faut être capable de faire du ‘small talk’ (une conversation légère, ndlr), parler business, géopolitique, golf, voile, hélicoptère, voyage… On rentre dans l’univers personnel des acquéreurs, c’est une dimension importante du métier.”
À LIRE AUSSI Immobilier : Paris (re)devient la ville préférée des super-riches
Un service à toute épreuve, et 24h/24
Pour les agents immobiliers, la patience et l’ultra-disponibilité auprès de cette clientèle exigeante sont des facteurs clés pour boucler une transaction. “Très souvent, nos clients ne savent pas immédiatement ce qu’ils recherchent. Un bien exceptionnel, oui, mais sans savoir l’identifier. C’est alors à nous de comprendre leur mode de vie, et le type de bien dans lequel ils peuvent se sentir à l’aise, décrit Marie-Hélène Lundgreen. Si, par exemple, nos clients ont besoin de conseils pour réserver un restaurant, pour aller voir une exposition, il est nécessaire d’avoir une certaine culture pour leur répondre.”
Dans ces conditions, les capacités d’adaptation sociale sont essentielles. “Il faut comprendre les codes qui seront propres à chaque client. Le capitaine d’industrie pourra par exemple se montrer plus pointilleux qu’un acteur, qui sera plus frivole. C’est à nous de nous adapter, comme des caméléons”, décrit Frank Sylvaire. “Avec cette clientèle, il faut être disponible 24h/24h, à l’écoute 7j/7. On n’hésite pas à programmer des visites de logements un dimanche après-midi, ou un 24 décembre”, décrit-il. Les agents immobiliers de luxe passent ainsi énormément de temps à écouter, identifier les attentes de clients extrêmement exigeants. “L’ego des clients est quelque chose d’important. Il faut les laisser parler de leurs désirs”, poursuit Marie-Hélène Lundgreen. La diplomatie joue : à la fin, il faut arriver à un accord en tenant compte des goûts de chacun.” Tout ceci pour que le client se sente écouté, et surtout compris.
“À la fin, c’est presque une relation amicale qui s’installe”
Dans les faits, les agents immobiliers de luxe dépassent ainsi largement leur fonction d’intermédiaire de la transaction. “Nous ne sommes pas des ouvreurs de porte, notre métier est bien plus étendu que ça. C’est tout un panel de services”, explique Marie-Hélène Lundgreen. Quitte à parfois jouer le rôle de conseiller, de confident. “Je me souviens d’un client américain, qui avait acheté un bel appartement à Saint-Germain il y a 20 ans. Il était accompagné d’une jeune femme à un café où nous avions pris rendez-vous. Il m’avait alors demandé des conseils de magasin, car il voulait acheter de la belle lingerie pour son amie. C’est un peu ça notre métier : on entre dans la vie privée des clients que l’on sert”, raconte la directrice de Belles Demeures de France. “À la fin, c’est presque une relation amicale qui s’installe.”
Cette relation peut d’ailleurs perdurer dans le temps. D’anciens vendeurs, s’ils ont été satisfaits par l’agent immobilier, peuvent devenir plus tard acquéreurs ou vendeurs d’un autre logement. “Il n’est pas rare que des clients importants, avec qui j’ai pu réaliser plusieurs transactions, viennent me voir pour me dire ‘j’ai entendu parler d’un bien à vendre’”, sourit Marie-Hélène Lundgreen. Parfois, ces clients entrent eux-mêmes dans la vie amicale de l’agent immobilier. “Je revois par exemple régulièrement d’anciens clients, à qui j’ai vendu un appartement en 1999. Ils viennent chaque année à Paris, et on passe de bons moments ensemble”, sourit-elle.
À LIRE AUSSI A vendre : ces châteaux qui retrouvent la cote dans les campagnes
Des connaissances techniques, et de l’abnégation à avoir
Derrière l’aspect humain, essentiel à la profession, se cache aussi toute la technique inhérente à la transaction immobilière. “Bien sûr, si l’on n’arrive pas à satisfaire le client sur le plan subjectif, il n’y aura pas de transaction. Mais il faut aussi voir l’autre versant du métier : si le client a un projet urbanistique sur la propriété, comment s’assurer de la sécurité réglementaire ?”, détaille Frédéric Barth. L’agent immobilier ne travaille donc pas seul, mais avec de multiples partenaires : avocats, architectes, diagnostiqueurs, spécialistes de la rénovation… “Il est impératif d’être en relation avec des professionnels compétents”, insiste-t-il.
Des connaissances techniques… et de la patience. Voilà les armes dont doit disposer l’agent immobilier de luxe dans sa quête de finaliser une transaction complexe. “Dans notre profession, les ventes peuvent se conclure en quelques jours, en quelques mois… mais elles prennent parfois aussi plus de deux ans”, partage de son côté Frank Sylvaire. L’agent raconte l’une de ses ventes récentes, celle d’un hôtel particulier cédé plus de 30 millions d’euros à un pays étranger. “Au départ, le vendeur, un très riche chef d’entreprise, m’a dit ‘Franck, j’adore cette maison, mais mes enfants la quittent’. Il souhaite donc se séparer de ce bien, mais pas à un prix inférieur à 35 millions d’euros. Un an se passe, sans acquéreur. On resigne un mandat d’un an avec le vendeur, et on passe le prix à 32 millions d’euros.” Les représentants d’un pays étranger s’intéressent alors à cet hôtel particulier, dans le but d’en faire une ambassade. “Les visites ont parfois rassemblé une quinzaine de personnes ! On a d’abord reçu le chargé d’affaires de l’ambassade, puis le ministre des Affaires étrangères du pays, le Premier ministre. Un expert indépendant a été nommé pour estimer le bien, un expert en architecture est également venu vérifier s’il n’existait pas de vice caché… Bref, les expertises ont duré quatre mois avant de pouvoir signer la vente ! Finalement, au bout de deux ans et demi, l’ambassadeur et le vendeur ont pu se serrer la main”, relate l’agent immobilier. “Il a fallu beaucoup de patience et de psychologie pour aboutir à la transaction, d’un montant supérieur à 30 millions d’euros. Le vendeur avait su nous donner sa confiance.”
Cette abnégation, ainsi que le niveau de dévouement auprès des clients, justifie pour les agents immobiliers des honoraires élevés. Même si, dans les faits, il reste difficile d’estimer le montant moyen des commissions touchées par les agents immobiliers de luxe, en raison de la diversité des réseaux et de leurs pratiques. “En général, la commission varie entre 4 et 6%, en fonction du marché et du bien en question. Pour les biens hyper haut de gamme, entre 50 et 150 millions d’euros, ça peut être moins selon les cas”, dévoile toutefois Alexander Kraft, le PDG de Sotheby’s International Realty France – Monaco.
Sur ce pourcentage touché par le réseau, une partie est reversée à l’agent immobilier lui-même. Sans que cette fraction ne soit communiquée publiquement. “Nos agents sont très bien rémunérés et […] bénéficient souvent de bonus et d’autres ‘incentives’, mais on ne peut pas généraliser cela ; les chiffres dépendent de chaque marché, chaque agence et chaque agent”, répond sobrement Alexander Kraft.
À LIRE AUSSI Immobilier de luxe : la crise n’est pas (encore) arrivée jusqu’au littoral !
À la recherche de logements extraordinaires
L’agent immobilier de luxe, certes, passe donc une grande partie de ses journées à jongler avec les exigences des riches clients, et les (parfois lourdes) contraintes techniques de la transaction. En parallèle, il reste toutefois toujours en alerte sur les éventuels “bons coups” à faire sur le marché immobilier. Qui sont les propriétaires sur le point de vendre ? Quel client est en recherche d’un logement, quel est son budget et quels sont ses critères de recherche ? “Parfois, dans un même réseau, plusieurs agents peuvent mettre en commun leurs moyens. Par exemple, si un propriétaire décide de vendre son logement à Paris pour déménager à Biarritz, l’agence Barnes à Paris peut nous contacter pour parler des désirs d’achat de son client”, décrit ainsi Astrid Barsacq, agent immobilier chez Barnes côte basque.
L’agent immobilier peut aussi jouer de façon beaucoup plus opportuniste. Et entrer en concurrence avec d’autres réseaux. Il surveille ainsi les annonces publiées sur d’autres plateformes, avec lesquelles il peut partager le mandat de vente. “Si le mandat signé est exclusif, alors il faut attendre trois mois avant l’expiration du délai. Mais ensuite, si le bien peut intéresser certains de nos acheteurs, nous pouvons voir directement le propriétaire pour le lui présenter”, décrypte Frédéric Barth. “On a tout de même une chance incroyable, car nous travaillons avec des logements très haut de gamme, une matière première extraordinaire. Même après des années de pratique, on découvre encore des propriétés magnifiques, dont on ne soupçonnait même pas l’existence.”
À LIRE AUSSI Jardin, terrasse : à Paris, les prix des biens de luxe donnent le tournis
A découvrir :
Recevez nos dernières news Chaque semaine votre rendez-vous avec l’actualité immobilière.
D’autres articles qui pourraient vous intéresser
Cette chronique se veut produite de la façon la plus authentique que possible. Dans la mesure où vous décidez d’apporter des précisions concernant le sujet « Luxe » il est possible de d’échanger avec notre équipe. Le site plaisir-secret.fr a pour finalité de publier diverses publications autour du sujet Luxe communiquées sur la toile. Pour vous faciliter la tâche, plaisir-secret.fr vous produit cet article qui aborde le thème « Luxe ». Consultez notre site plaisir-secret.fr et nos réseaux sociaux dans l’optique d’être informé des prochaines parutions.