LONDRES/PARIS, 9 octobre (Reuters) – Les marques de luxe
européennes ont beau avoir brillé lors de la semaine de la mode
parisienne, les investisseurs s’interrogent sur leur appétit
pour le secteur face au ralentissement chinois et à
l’incertitude sur les taux d’intérêt.
Le luxe a démarré l’année 2023 en force grâce aux espoirs
d’une reprise rapide des ventes en Chine après trois années de
restrictions sanitaires et d’un rebond des dépenses
post-pandémie aux États-Unis, mais l’indice STOXX Europe Luxury
10, qui regroupe les 10 plus grandes entreprises
européennes du secteur telles que LVMH, Kering ou Richemont,
vient d’enregistrer sa plus forte baisse trimestrielle depuis
2020.
Quelque 175 milliards de dollars ont été retirés de l’indice
depuis fin mars, la reprise en Chine étant chancelante et la
croissance ralentissant, tandis que l’inflation élevée et la
hausse des taux d’intérêt obligent les consommateurs américains
à réduire leurs dépenses.
« Le secteur s’est fortement déprécié au cours des deux ou
trois derniers mois, sous l’effet conjugué de la hausse des taux
d’intérêt, du positionnement des investisseurs et de
l’anticipation des réductions de bénéfices », a déclaré Bernard
Ahkong, codirecteur de l’UBS O’Connor Global Multi-Strategy
Alpha.
Bien que le STOXX Europe Luxury 10 soit toujours en hausse
de 20% sur un an, il a enregistré sa plus mauvaise performance
au troisième trimestre par rapport au STOXX 600, qui a
reculé de 2,5%.
Parmi les raisons de ce recul, Bernard Ahkong évoque les
inquiétudes croissantes concernant les perspectives de
consommation de produits de luxe aux États-Unis, en Europe et en
Chine, un point de vue partagé par Peter Garnry, responsable de
la stratégie des actions chez Saxo Bank.
« Le récent déclin des valeurs de luxe européennes reflète
l’incertitude de l’économie européenne et les perspectives de
croissance inégales de l’économie chinoise », a-t-il déclaré.
La gravité de la situation pourrait apparaître plus
clairement dans les semaines à venir, lorsque plusieurs des plus
grands groupes de luxe européens publieront leurs ventes
trimestrielles, à commencer mardi par LVMH.
L’ÉCART DU LUXE
Si les valorisations du luxe ont baissé, elles restent bien
supérieures à celles du reste du marché: le ratio cours sur
bénéfice à 12 mois de LVMH est d’environ 21 et celui de
Richemont de 15,6, contre environ 12 pour le STOXX 600,
selon les données de LSEG.
Toutefois, signe du déclin de l’étoile du secteur, le
fabricant danois de médicaments Novo Nordisk a
détrôné en septembre dernier LVMH de sa place de première
capitalisation boursière en Europe, que le groupe de luxe
français occupait depuis deux ans et demi.
La fin du règne de LVMH a été largement attribuée à la perte
d’appétit des investisseurs pour les valeurs de luxe ainsi qu’au
succès de Wegovy, le médicament de Novo Nordisk pour la perte de
poids.
Certains analystes se sont montrés prudents à l’égard du
luxe, UBS ayant abaissé la semaine dernière ses estimations pour
tenir compte du risque de ralentissement de la consommation
chinoise.
Morgan Stanley a réduit de 6% son estimation de bénéfice par
action pour les produits de luxe en 2024 et Bank of America de
7%, cette dernière précisant que les consommateurs aux
États-Unis et en Europe dépensaient moins qu’au cours de la
période post-pandémie.
Les dépenses de mode de luxe ont baissé de 16% par rapport à
l’année précédente en juillet et en août aux Etats-Unis,
montrent les données relatives aux cartes de crédit.
Selon Gerry Fowler, analyste chez UBS, les risques liés aux
actions de luxe ont commencé à devenir plus évidents en mai.
« Mais nous ne sommes pas sûrs que la dynamique des bénéfices
se soit encore essoufflée », a-t-il ajouté.
OPTIMISME À LONG TERME
Bien que les perspectives soient plus mitigées, plusieurs
acteurs du marché et analystes restent optimistes à long terme.
« La correction du secteur a été trop importante », ont
déclaré les analystes de Bernstein, ajoutant que les entreprises
comme LVMH qui dépensent en marketing et relâchent leurs
augmentations de prix sont les mieux placées dans un
environnement économique incertain.
Gilles Guibout, responsable des stratégies d’actions
européennes chez AXA Investment Mangers, qui s’était montré
prudent au début de l’année en raison des valorisations élevées,
mais s’intéresse désormais au secteur.
Avec des valorisations désormais plus proches des moyennes à
long terme, le secteur est plus intéressant, estime Gilles
Guibout, même s’il s’en tient à la note « sous-pondérer » depuis
le début de l’année 2023.
« Nous attendrons les résultats trimestriels, qui devraient
confirmer le ralentissement », a-t-il déclaré.
(Reportage Lucy Raitano et Mimosa Spencer ; version française
Diana Mandiá, édité par Kate Entringer)
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