Hermès, LVMH, Kering… Les ténors français du luxe, poids lourds du CAC 40, ont nettement repris de la hauteur à la Bourse de Paris, depuis les points bas majeurs d’octobre. Pour autant, les publications décevantes (aux yeux des investisseurs en actions) des concurrents Richemont (marque Cartier) et Burberry ont jeté un froid, alimentant les inquiétudes des actionnaires sur la trajectoire des ventes et des profits du secteur du luxe. Il faut toutefois se garder d’en tirer des conclusions hâtives, les performances des marques de luxe ayant été très différenciées, ces dernières années, avec notamment un grand écart entre un Hermès flamboyant et un Gucci (groupe Kering) à la peine.

«Certaines marques de luxe ont clairement mieux résisté que d’autres», observe à cet égard Catherine Garrigues, directrice de la stratégie d’investissement Conviction Actions européennes chez Allianz Global Investors, interrogée par Capital. Au vu de la réaction du marché lors de la publication des comptes du troisième trimestre de LVMH (l’action du n°1 du secteur avait clôturé dans le rouge vif le 11 octobre, avec une chute de plus de 6% en fin de séance de Bourse), le groupe a laissé ses actionnaires sur leur faim. De même, l’action Kering a été sanctionnée le 25 octobre, les comptes trimestriels ayant été eux aussi mal accueillis par les investisseurs en actions.

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LVMH, Kering… De nombreuses marques de luxe voient leurs ventes d’articles de luxe se normaliser, un phénomène qui était de toute façon inévitable, après de nombreux trimestres particulièrement fastes

Au-delà de ces déceptions apparentes, Catherine Garrigues considère que la trajectoire des ventes observée dans le secteur du luxe reflète plutôt un phénomène de normalisation, après de nombreux trimestres fastes. Pendant le choc du Covid-19, le consommateur «a été frustré (confinements et autres restrictions sanitaires, NDLR), puis, enfin libéré des contraintes et désireux de se faire plaisir, il a beaucoup dépensé pendant plusieurs trimestres consécutifs, jusqu’à mi-2023, grâce notamment à l’épargne excédentaire constituée pendant la crise sanitaire (phénomène d’épargne forcée, NDLR)», rapporte la gérante. Mais ce bas de laine a désormais été en grande partie ou totalement dépensé, suggèrent les statistiques sur l’épargne des ménages.

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Déjà, les chiffres du troisième trimestre trahissent ce phénomène de normalisation des ventes d’articles de luxe (et de spiritueux haut de gamme), dont le rythme de croissance tend à s’infléchir, relève Catherine Garrigues, qui souligne que de toute façon, les taux de croissance à deux chiffres observés pendant 18 mois n’étaient pas soutenables à long terme. Ainsi, ce sont les attentes de nombreux actionnaires (qui s’étaient habitués à des rythmes de croissance très élevés) qui étaient trop fortes.

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La trajectoire des devises a pesé sur les comptes des multinationales du luxe… et celle de l’économie chinoise constitue un important aléa pour les prochaines années

Si les marques de luxe ont tout de même bénéficié de leurs hausses de tarifs cette année, «les volumes de vente ont marqué le pas et la trajectoire des devises (le yen et le dollar, en particulier) a été défavorable» pour les multinationales européennes du luxe, note la gérante. Elle ne nourrit pourtant pas d’inquiétude particulière sur les perspectives du secteur, en rappelant que sa croissance annuelle moyenne historique (en valeur, c’est-à-dire en tenant compte de la trajectoire des prix de vente et des volumes) ressort à 5-7%. Elle souligne en outre que certaines marques très haut de gamme réalisent un quart de leurs chiffres d’affaires avec moins de 1% des clients, une clientèle richissime, dont la consommation n’est à l’évidence pas tributaire des caprices de la conjoncture.

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Pour autant, alors que ce sont les classes moyennes des pays émergents (et notamment les Chinois aisés) qui ont depuis longtemps et structurellement tiré la croissance des ventes d’articles de luxe, les incertitudes pesant actuellement sur la trajectoire de la croissance économique de la Chine constituent clairement un aléa pour les perspectives des multinationales du secteur, ces prochaines années, relève Catherine Garrigues. Il faut dire que de nombreuses marques de luxe réalisent entre 20 et 35% de leurs chiffres d’affaires avec la clientèle chinoise. Alors que la Chine commence à perdre des habitants (un phénomène démographique négatif qui s’avérera structurel, durable) et que la chute des prix de l’immobilier dans l’Empire du milieu pourrait inciter de nombreux ménages (y compris aisés) à se serrer la ceinture, on ne peut pas exclure de possibles déceptions sur la demande chinoise d’articles de luxe français et européens, ces prochaines années.

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LVMH, Hermès, Kering… où vont les actions du luxe du CAC 40 ?

Parmi les grandes marques européennes du luxe, Gucci (groupe Kering) fait figure de canard boiteux. Le chiffre d’affaires de la griffe italienne en difficulté est en effet revenu aux niveaux pré-Covid-19, ce qui est clairement décevant, comparé à de nombreux concurrents. Il faut dire que, contrairement à Christian Dior et Louis Vuitton (marques du groupe LVMH) ou Hermès, dont les produits sont considérés comme des investissements (non abîmés, ces articles de haut vol tendent à conserver leur valeur et peuvent être facilement revendus à un bon prix), Gucci n’est pas une marque iconique. Et si l’action Kering peut sembler à première vue bon marché, ce n’est malheureusement pas sans raison : le propriétaire de Gucci est en effet en panne de croissance (contrairement à Hermès et LVMH).

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A la Bourse de Paris, au sein du compartiment du luxe, les actions LVMH et Hermès sont redevenues attrayantes, juge une gérante (ayant souhaité garder son anonymat) interrogée par Capital. En particulier le leader mondial du luxe, qui a subi un derating (une dévalorisation) plus fort qu’Hermès, un challenger dont la relative résistance de la croissance impressionne. LVMH a pâti cet été d’un coup d’arrêt de ses ventes de cognac aux Etats-Unis (un marché traditionnellement très rentable), les hausses de tarifs commençant à devenir plus indigestes pour les clients. Pour autant, aux niveaux de cours actuels, l’action LVMH semble abordable (plus qu’au printemps dernier, quand le cours de Bourse était beaucoup plus haut). D’autant que les performances de LVMH au Japon (un marché en partie soutenu par le retour du tourisme chinois) sont bonnes et que le rachat de Tiffany (un joaillier bien installé mais qui était peu rentable et performant) par LVMH constitue encore un réservoir de synergies et d’amélioration des marges.

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