Malgré une appétence renforcée du rap hexagonal envers les maisons haut de gamme, ces dernières soufflent le chaud et le froid quand il s’agit d’établir des connexions durables. Après plusieurs années de « je t’aime moi non plus », où en est la relation entre le luxe et le rap francophone?
Le 03/06/2023 à 13:42
Véritables incarnations de l’image des rappeurs, la mode et les accessoires font désormais partie intégrante de la direction artistique des projets. Mais alors que le luxe est marié de longue date aux rappeurs américains, son union avec les artistes français semble toujours être bloquée au stade des fiançailles.
Bien que les marques soient de plus en plus enclines à travailler avec les rappeurs, peu de collaborations et de nominations d’égérie ont lieu malgré la popularité du rap dans le paysage musical français. Décryptable, avec des acteurs du milieu, d’un rapport complexe en pleine évolution.
L’influence américaine remixée à la sauce française
A$AP Rocky et Travis Scott, respectivement égéries chez Dior et Saint Laurent, cocréation de montres entre Jay-Z et Hublot, fondation d’un label de joaillerie et d’accessoires Homer par Frank Ocean… Largement sollicités par les marques, les rappeurs transatlantiques ont acquis au fil du temps une légitimité luxe et mode difficile à remettre en question.
« Les États-Unis ont eu des rappeurs décalés, en termes artistiques, avant la France » rappelle Marouane Sair, journaliste chez Rapunchline, « avec une visibilité et des audiences plus conséquentes ». Si cette longueur d’avance et les retombées commerciales corrélées expliquent cette proximité plus forte avec les marques de luxe, il faut aussi prendre en considération un état d’esprit différent entre les rappeurs américains et francophones.
« Quand un artiste perce aux États-Unis, il investit énormément dans son apparence et son train de vie », souligne Dadainkk, célèbre styliste ayant travaillé avec de grands noms du rap comme Gradur, Alonzo, Gazo, Kalash ou encore PLK.
Comme dans d’autres domaines d’activités où l’américanisation se fait ressentir, les rappeurs français se sont inspirés de cette façon d’appréhender son image. « À une époque, beaucoup de rappeurs me demandaient de les habiller comme Lil Baby ou Pop Smoke », illustre Dadainkk, preuve que les mentalités se sont bien développées de notre côté de l’Atlantique.
Le luxe, un rêve et une concrétisation pour les rappeurs
Le point d’ancrage de ce nouveau rapport au luxe se situe « autour des années 2015/2016 », selon Marouane Sair. Un moment où le rap français a connu « de nouveaux mouvements et codes musicaux » et s’est, de surcroît, démocratisé auprès du grand public et des acheteurs potentiels des marques haut de gamme.
Les rappeurs se sont ainsi tournés davantage vers la mode et les accessoires pour se démarquer. En dépassant leur rôle de chanteur, les protagonistes les plus streamés en France peuvent accentuer les caractéristiques de leur personnage et raconter leur histoire de manière plus visuelle et moderne.
Outre cette notion d’image, le luxe reflète la réussite et l’ascenseur social que prennent les artistes, qui ont souvent évolué dans des milieux défavorisés, à travers leur succès dans la musique. Les rappeurs portent du haut de gamme, l’affichent avec fierté dans les clips et chantent haut et fort les marques.
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Certains titres phares valorisent ainsi sans équivoque les maisons, comme Tout en Gucci de Ninho et Celine de Gazo, tandis que Gaulois parle de shopping chez « Dolce, Prada » (Maria), Kaaris fait « tomber le peignoir Versace » (Tout est prêt feat Sid les 3 éléments), Alonzo revêt des « lunettes Cartier dans la Golf » (Traficante), et SCH a « des Rolex » (Ciel Rouge).
Impossible de citer toute l’ampleur de cette mise en lumière du luxe mais, selon un classement établi par BFMTV, Gucci, Rolex, Louis Vuitton, Fendi, Versace, Dior et Prada font partie des marques les plus mentionnées par les rappeurs français entre janvier 2019 et mars 2023.
Les marques de luxe sont encore hésitantes
Les rappeurs aiment donc le luxe tant pour sa représentation que pour l’aboutissement artistique qu’il procure. Mais malgré cet attrait non discutable et la notoriété du rap français, les maisons sont toujours quelque peu réticentes à collaborer directement sur des projets. « Je travaille avec des showrooms et des bureaux de presse qui référencent plusieurs griffes mais le contact auprès des marques elles-mêmes est plus rare », raconte la styliste Anne-Sophie Da Fonseca, qui a habillé Ninho, Captaine Roshi, Maes ou encore Don Milli.
« Paris est la capitale de la mode mais les maisons peinent à pleinement collaborer avec les rappeurs français », abonde Dadainkk.
Entre stéréotypes persistants et images parfois controversées, les maisons semblent encore réfléchir à deux fois avant de s’associer directement avec les artistes. Contactés par Iconic Business, Louis Vuitton, Dior et Givenchy ont d’ailleurs décliné nos demandes d’interviews autour de cette relation avec le rap francophone.
Doucement mais sûrement, les collaborations s’imposent
Malgré ces freins persistants, Anne-Sophie Da Fonseca et Dadainkk remarquent cependant que les choses avancent dans le bon sens. Ces dernières années, plusieurs collaborations d’ampleur sont venues souder la proximité entre le luxe et les rappeurs francophones.
On a ainsi pu voir Georgio égérie d’une campagne Givenchy Parfums et S.Pri Noir mannequin pour Kenzo, avant d’être le visage de Cartier, Hugo Boss et Dior Parfums. La rappeuse belge Shay s’est rapprochée de Burberry, tandis que Lous and the Yakuza et Koba LaD ont respectivement défilé pour Louis Vuitton et Casablanca. Dernièrement, c’est Orelsan qui s’est illustré en devenant l’un des ambassadeurs pour la campagne mondiale de la fragrance Gris Dior.
Pour le rappeur Don Milli, « le rap est un art au même titre que la mode, il faut accorder ces deux mondes pour respecter son personnage et travailler son image ». Passionné par les vêtements, l’artiste s’attelle à proposer des styles aboutis avec la styliste Anne-Sophie Da Fonseca, en témoigne sa silhouette full cuir noir et des pièces monochromes beiges signées Lanvin et Dior dans son clip Le prix d’une vie.
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La récente cérémonie Les Flammes, récompensant les artistes hip-hop et rap francophones, a d’ailleurs été le symbole de cette maîtrise vestimentaire. Sur le tapis rouge et sur scène, le gotha du milieu s’est présenté dans des tenues de grandes marques et de designers plus confidentiels, comme Koba LaD en ensemble denim Dior ou Kerchak paré d’une cagoule personnalisée par Givenchy.
Même son de cloche pour la compétition de rap Nouvelle École sur Netflix où SCH, Shay (souvent mentionnés pour leurs looks savamment étudiés) et Niska ont dévoilé des tenues iconiques tout au long des deux saisons.
Autant d’éléments qui font la jonction entre défilé de mode et rap game et qui pourraient amener à de futurs partenariats et de potentielles nominations d’égéries. On imagine aisément un avenir où les deux univers artistiques échangent, se répondent et s’apportent mutuellement pour faire rayonner la création artistique dans de nouvelles sphères.
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