(AFP) – Voir Messi à Buenos Aires ou Neymar à Rio? Un luxe onéreux: en Amérique du Sud, où l’amour du football, sport populaire par essence, transcende les classes sociales, prendre place en tribunes pour soutenir son équipe nationale est devenu un privilège réservé aux plus riches.
La frustration monte dans le sous-continent de près d’un demi-milliard d’habitants où l’inflation galopante associée à l’engouement que suscite le ballon rond a fait grimper le prix des billets pour les rencontres de qualification au Mondial-2026, jusqu’à aboutir à une situation absurde: des travées clairsemées pour certains matches le mois dernier.
En Colombie, où le salaire minimum est de 255 euros par mois, le prix moyen d’un siège pour voir jouer la sélection est aujourd’hui de 95 euros. « Il y a des gens qui ont un pouvoir d’achat très élevé ici, mais pour moi c’est impossible », peste auprès de l’AFP Pablo Gonzalez, 49 ans, chargé de l’entretien d’une université à Barranquilla (nord), où jouent les « Cafeteros » affronteront l’Uruguay jeudi.
Plus au sud, en Argentine, l’Albiceleste de Lionel Messi, fierté de tout le pays depuis sa troisième victoire en Coupe du monde l’an dernier au Qatar, attise autant les passions que les frustrations, dans un pays qui connaît une inflation annuelle de 120% et un taux de pauvreté supérieur à 40% de la population.
Pour la réception du Paraguay vendredi, le prix moyen d’un billet est de 110 euros, alors que le salaire mensuel minimum argentin est de 305 euros. Un abonnement sur trois ans assorti de privilèges divers peut, lui, coûter jusqu’à 13.000 euros.
De tels prix rendent « exclusif quelque chose d’aussi populaire que le football », déplore auprès de l’agence argentine Télam une supportrice, Candela Thompson.
Sans directement condamner les tarifs pratiqués, le sélectionneur des champions du monde, Lionel Scaloni, a lui-même révélé en septembre qu’il dépensait des milliers de pesos argentins pour offrir des billets à ses proches. « Cela me coûte beaucoup, comme tout le monde. Mais ce n’est pas moi qui fixe le prix des billets », a-t-il dit en conférence de presse. « Si cela ne tenait qu’à moi, les gens iraient gratuitement » aux matches.
– « Besoin d’un stade plein » –
Au Brésil voisin, les prix ont fortement augmenté en un mois. Lors de la première journée des qualifications, il fallait débourser en moyenne 325 réais (environ 60 euros) pour assister au match des quintuples champions du monde face à la Bolivie, le 8 septembre, à Belem (nord), une rencontre jouée à guichets fermés.
Pour le match de jeudi face au Venezuela, à Cuiaba (centre-ouest), le prix moyen des billets est de 500 réais (92 euros), soit presque 38% du salaire minimum brésilien.
Et malgré le désamour du public brésilien vis-a-vis de sa Seleçao depuis la débâcle du Mondial-2014 à domicile, avec le 7-1 fatidique face à l’Allemagne en demi-finale, les prix des places devraient encore être élevés lors du choc contre l’Argentine, le 21 novembre, au mythique stade Maracana de Rio de Janeiro.
Populaire au Chili en raison notamment des ses origines modestes, le milieu de terrain et capitaine Arturo Vidal admet sans détours que « les billets sont chers ».
« On a déjà dit au président (de la fédération Pablo Milad) de les baisser un peu car on a besoin d’un stade plein », avait-il confié avant la réception de la Colombie en septembre.
Selon la presse chilienne, il avait fallu plus de temps qu’à l’accoutumée pour que soient vendus l’ensemble des quelque 45.000 billets au Monumental de Santiago.
Au même moment, en Uruguay, la Fédération nationale (AUF) avait fait son mea culpa pour les travées parsemées du Centenario de Montevideo à l’occasion des débuts officiels de Marcelo Bielsa à la tête de la Celeste.
« On a fait une erreur », avait admis son président Ignacio Alonso. « Sur les 40.000 places, on a vendu 31.500 billets. Il manque 8.500 personnes à cause du prix », avait-il dit, promettant un ajustement. Pour la venue du Brésil, le 18 octobre, le prix des billets sera un peu moins cher.
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