Kering, Hermès, LVMH… Les « Kholc », un défilé de luxe, de beauté et d’argent

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L’action LVMH aussi est un produit de luxe! C’est ainsi que Bernard Arnault, propriétaire du numéro un mondial du secteur, a répondu à un actionnaire qui le questionnait, lors de l’assemblée générale du 20 avril dernier, sur l’éventualité d’une division du titre. Il est vrai qu’il faut désormais environ 850 euros pour se payer une des 502 millions d’actions du groupe en circulation sur le marché.

Devenu, selon le magazine américain Forbes, l’homme le plus riche du monde, le PDG avait même précisé ce jour-là en souriant que « la désirabilité est proportionnelle à la valeur » . Difficile de savoir s’il a pu partager cette réflexion avec Elon Musk (Tesla, SpaceX, Twitter), à qui il dispute sa place de première fortune mondiale – l’Américain est devant le Français, selon le Bloomberg Billionaires Index -, en le recevant, le 17 juin, sur la terrasse de l’hôtel Cheval Blanc situé au sommet de la Samaritaine, sa propriété. Symbolique, la rencontre a été immortalisée par une photo des deux entrepreneurs posant devant le panorama de Paris et, en arrière-plan, la tour Eiffel.

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Le cap des 500 milliards

En Bourse, leurs deux entreprises se talonnent. Fin avril, LVMH (actionnaire de Challenges) a été le premier groupe européen (et jusqu’à présent le seul) à franchir le cap des 500 milliards de dollars de valorisation boursière, rejoignant ainsi le cénacle des dix premières valorisations mondiales, conduites par Apple, et dont fait partie Tesla.

Bruno Le Maire avait vu juste. Le 8 janvier 2019, lors de la signature du premier contrat stratégique de la filière mode-luxe, renouvelé en mars 2023, le ministre de l’Economie et des Finances avait proclamé: « La France n’a pas les Gafa, mais elle a les géants du luxe mondial. » D’où l’intérêt, pour les pouvoirs publics, de creuser avec ces champions et les PME du secteur des sujets comme l’adaptation au numérique, la transition écologique ou l’attractivité des métiers.

Face à Google, Apple, Facebook et Amazon, la France aligne donc désormais ses « Khol »: Kering, Hermès, L’Oréal, LVMH. Ou plutôt les « Kholc », car à cette liste il convient d’ajouter Chanel, qui n’est pas coté en Bourse. « Le point commun, c’est que ce sont des marques », souligne Loïc Morvan, analyste luxe-cosmétiques chez Bryan, Garnier & Co. Leur « désirabilité » permet de fixer des prix élevés et d’obtenir des marges inégalées. Voilà pourquoi Bernard Arnault a viré en tête des grandes fortunes de la planète, tandis que Françoise Bettencourt Meyers, petite-fille du fondateur de L’Oréal, est depuis 2019 la femme la plus riche du monde.

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Comment les Bettencourt Meyers soutiennent le rayonnement de la France

La valeur de ces quatre groupes cotés a tellement augmenté en 2022 qu’elle représente désormais près de 40% du CAC 40, l’indice phare de la Bourse de Paris, laissant loin derrière l’automobile, la sidérurgie ou le BTP, emblématiques des Trente Glorieuses. « Ce qui me frappe, c’est que le luxe a connu un regain de croissance l’année où l’on a assisté à un retournement du digital et de la tech, et où les étoiles d’Elon Musk, Mark Zuckerberg ou Jeff Bezos ont un peu pâli, souligne Christine Durroux, senior partner de The Arcane. Cette valorisation vient aussi du fait que le luxe s’est saisi des outils du digital et de la tech. »

Le tableau ne serait donc pas complet sans Chanel, resté à l’écart des marchés d’actions, et qui n’est sans doute pas près de changer de stratégie, car « le luxe n’a pas besoin de la Bourse, mais la Bourse a besoin du luxe », estime Loïc Morvan. La marque au double « C » n’en est pas moins un membre incontournable de ce Club des cinq et la famille Wertheimer, son actionnaire, figure en bonne place dans notre palmarès.

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Les Wertheimer, propriétaires de Chanel, diversifient leurs activités en toute discrétion

Ensemble, les Kholc pèsent désormais un poids considérable: 165 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 38 milliards de bénéfices cumulés en 2022, dont près de 7 milliards distribués aux familles Arnault (LVMH), Wertheimer (Chanel), Bettencourt Meyers (L’Oréal) et Pinault (Kering), ainsi qu’aux familles actionnaires d’Hermès.

Entre admiration et rejet

Ces géants du luxe – « les seuls qui ont les moyens d’investir et d’avoir les meilleurs emplacements », estime Loïc Morvan – , ont pris possession des plus belles avenues de Paris, et le monde a appris à regarder la France différemment. « Il y a encore une dizaine d’années, aux Etats-Unis, les ultrariches ne faisaient aucune association entre la France, considérée comme un pays socialiste, et le luxe », rappelle Christine Durroux. Tout a changé grâce à la communication habile de ces groupes qui, souligne Stéphane Tubiana, senior partner chez Roland Berger, « n’existaient pas sous leur forme actuelle il y a trente ou quarante ans ». Christine Durroux n’hésite pas à comparer ces multinationales à de « nouvelles royautés ». Des entités qui, selon elle, « suscitent autant d’admiration que de rejet ».

Faut-il surtaxer les plus riches des « ultrariches », comme le souhaitent plus de 130 eurodéputés? L’idée circule aussi en Suisse et même le président des Etats-Unis Joe Biden pourrait l’intégrer dans son programme de campagne pour 2024. En France, Jean Pisani-Ferry, l’inspirateur du programme économique d’Emmanuel Macron en 2017, prône la taxation du patrimoine des plus aisés pour financer la lutte contre le changement climatique. Les performances du Club des cinq « vont à contre-courant de la passion française pour l’égalité », notait The New York Times dans son édition du 5 avril dernier, sur fond de manifestations contre la réforme des retraites. L’irruption de manifestants avec fumigènes et sifflets au siège de LVMH, la semaine suivante, a marqué les esprits.

Quelles réponses apporter? Le 20 avril, à son assemblée générale, Bernard Arnault avait fait appel à deux économistes de renom, Hélène Rey (London Business School) et Nicolas Bouzou (Asterès) pour expliquer en vidéo « l’empreinte économique » de l’industrie du luxe en général, et de LVMH en particulier. « Dans un pays qui affiche une tendance à la métropolisation, LVMH opère le chemin inverse », considérait ce dernier, citant « les 5.000 emplois en Champagne » ou « l’Allier, haut lieu de la maroquinerie, où le groupe représente plus de 3% de l’emploi total ». Le plaidoyer aura-t-il convaincu?

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« Le secteur du luxe affiche une santé relativement insolente », reconnaît Joëlle de Montgolfier, consultante chez Bain & Company, dont l’étude annuelle sur le luxe fait autorité. En 2022, indique ce rapport, le marché mondial a atteint 1.400 milliards de dollars de dépenses, en comptant les belles voitures, les jets privés ou les croisières de rêve. Sur ce pactole, 353 milliards représentent la part du marché des « produits personnels de luxe » (mode, beauté, accessoires…), le terrain de jeu des Kholc. Avec une croissance annuelle de… 22%.

« Il y a eu un effet de rattrapage après la crise sanitaire, et certaines cartes ont été rebattues », souligne l’experte. La première transformation est technologique, avec la montée en puissance de l’e-commerce. « Ce mode d’achat représentait 12% des ventes du secteur avant la crise, nous sommes passés à 22% », précise-t-elle.

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Le regain américain

L’autre effet de la pandémie est géopolitique. « Avant le Covid, le secteur était très dépendant de la Chine, qui a été absente du marché pendant l’année 2022, ajoute Joëlle de Montgolfier. Les Etats-Unis sont redevenus dynamiques, même s’il y a eu une certaine décélération depuis septembre dernier. » Pour François-Henri Pinault, le PDG de Kering, qui a franchi le cap des 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, malgré la contre-performance de Gucci, les clignotants sont bel et bien revenus au vert. « J’étais en Chine fin janvier, pour la première fois en trois ans, a-t-il indiqué en présentant les résultats 2022 de son groupe, le 15 février dernier. C’était comme s’il n’y avait pas eu de crise sanitaire. » Mais le dirigeant attend aussi beaucoup du regain de la clientèle américaine, qui s’est précipitée sur les produits de luxe après avoir accumulé « une épargne forcée pendant la crise du Covid ». Et ce n’est pas tout. « Il y a aussi le phénomène des migrations vers des villes comme Nashville ou Charlotte », dit-il. Deux villes du Tennessee et de Caroline du Nord où le luxe ne s’aventurait pas jusqu’à présent.

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Même si l’Inde et l’Afrique ne sont pas prêtes à prendre le relais de la Chine, donc, la croissance se poursuivra. « Des richesses se créent dans le monde, comme en Californie, où les salaires des cadres supérieurs sont dix fois supérieurs à ceux de l’Europe », analyse Stéphane Tubiana, associé senior chez Roland Berger. Le succès des Gafa, principalement implantés dans cet Etat de 40 millions d’habitants, vient ainsi directement nourrir celui des Kholc. « Rien ne fait que cela va s’arrêter, souligne le consultant. Car ce que représente le luxe, c’est toujours le rêve. » Cerise sur le gâteau: grâce à la reprise des voyages, « le travel retail pourrait atteindre 15% des ventes du luxe au lieu de 8% aujourd’hui ».

Un management optimisable

Pourtant, même dans le meilleur des mondes possibles, il faut savoir rester vigilant. « Fin 2022, indique Bénédicte Epinay, directrice déléguée du Comité Colbert (93 maisons de luxe et 17 institutions culturelles), nous avons interrogé nos adhérents et le recrutement est leur principale préoccupation. D’un côté, il y a 10.000 départs en retraite chaque année qu’il faut donc remplacer, et de l’autre, 10.000 nouveaux postes à pourvoir, soit 20.000 profils à trouver. » A la nouvelle ganterie inaugurée par Hermès le 9 juin à Saint-Junien (Haute-Vienne), un agrandissement de l’établissement déjà existant, « 98% des artisans en poste sont des personnes en reconversion, témoigne-t-elle. Ces métiers souffrent d’un manque de visibilité, or il faudrait arriver à recruter une génération beaucoup plus jeune. »

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Autre sujet à surveiller: les méthodes managériales pratiquées dans ces grands groupes. Contrairement à l’image glamour qu’ils renvoient, tout n’y est pas toujours rose. « Est-ce qu’on peut faire du luxe et garder une gouvernance et un management hiérarchique comme actuellement? s’interroge Christine Dur-roux. Ces marques restent attractives, mais moins qu’avant. » Pour Stéphane Tubiana, « certains commencent à avoir des problèmes de burn out et donc des difficultés à recruter, car les jeunes d’aujourd’hui sont très attachés aux conditions de travail et ils veulent aussi donner un sens à ce qu’ils font ». Selon ce consultant, le management de la plupart des grandes marques est optimisable.

Dernier point d’interrogation: les remises en cause imposées par le changement climatique après l’adoption, en novembre 2022, d’une loi par le Parlement européen sur la responsabilité sociale et environnementale. Utilisation de peaux et de fourrure animales ou de tissus produits sans respect de la nature sont également dans le viseur des ONG environnementales. « Qui dit hyper croissance dit hyperimpact sur l’environnement », rappelle Joëlle de Montgolfier. La consultante y voit une préoccupation de fond pour cette industrie qui ne cesse de puiser dans les ressources de la nature et de l’agriculture.

Une désirabilité à conserver

Et pourtant, le rêve doit rester entier. En ce premier jour de juin, Chanel a choisi de l’entretenir en racontant son histoire d’amour avec les plantes à parfum. Aux Tuileries, à quelques pas de la rue Cambon où Gabrielle Chanel ouvrit, en 1910, sa première boutique, la griffe avait installé pour quatre jours un jardin éphémère destiné à faire connaître au public le bigaradier, alias citrus aurantium. Cette variété d’orangers cultivée en pays de Grasse est utilisée dans l’élaboration du cultissime Numéro 5, avec le jasmin et la rose de mai. L’occasion de faire savoir que Chanel a entrepris de relancer cette culture, avec le groupe Mul, son partenaire, et 60 producteurs et propriétaires de terrains, entre Vallauris et Bar-sur-Loup (Alpes-Maritimes). Au total, 700 jeunes arbres ont été replantés, avec l’objectif de doubler la production d’ici à 2026, pour la porter à 10 tonnes de fleurs par an.

On l’a compris, l’ancrage dans les terroirs et l’excellence à la française restent essentiels pour les grands noms du luxe. A fortiori pour une marque comme Chanel, dont les actionnaires, les frères Alain et Gérard Wertheimer, sont respectivement résidents américain et suisse, et la structure de tête, Chanel Ltd, désormais basée à Londres. Quid de la suite? « Dans trente ans, ce seront les cinq mêmes », s’avance Loïc Morvan. A condition qu’ils n’altèrent pas leur désirabilité. Il faudra rester à la pointe des matériaux, de la créativité, tout en scrutant les tendances et l’évolution de la société. Ils en ont les moyens.

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